jeudi, janvier 26, 2012

SYRIE : La Ligue aveugle des Arabes

By FoQus Media on Thursday, January 26, 2012 at 4:53am.

Depuis l’année dernière (2011) les présidents africains et arabes vivent dans la tourmente. Quelques dictateurs- ils le sont presque tous- ont été renversés ci et là. Plusieurs présidents sortants ont tenté la fraude devant les urnes ; et ont eu bien du mal à la faire accepter à leurs populations. Partout les despotes sont chahutés, contestés, ou priés de quitter le pouvoir. C’est le cas du Syrien Bashar-Al-Assad qui répond, par une sanglante répression, au soulèvement populaire dirigé contre le régime baasiste. Des observateurs de la Ligue arabe, les yeux bandés, ont été diligentés par les monarchies du Golfe pour y voir de plus près. Et ils n’y ont rien vu !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

La situation n’est pourtant pas nouvelle : dictatures et fraudes électorales ont toujours caractérisé les régimes des pays du Sud, pour finir par en constituer un trait caractériel, dans le sens pathologique du terme. Mais cette fois-ci le "Printemps arabe" semble avoir jeté sur ces "accidents de l’Histoire" un éclairage aussi cru que nouveau. Au point de les rendre intolérables aux yeux des populations qui s’en étaient fort bien accommodés jusque-là. Des citoyens qui récusent désormais le statu quo en manifestant bruyamment dans les rues de Damas, Kinshasa, Moscou, le Caire, Dakar, Sana'a…
Si les effets de cette nouvelle ère étaient rétroactifs, ils auraient aussi frappé ceux des chefs d’États qui se trouvent désormais opportunément à l’abri de toutes turpitudes. Pour avoir fraudé les urnes avant les révolutions arabes !

Le président syrien lui ne s’embarrasse d’aucune convenance pour perpétuer le pouvoir Baas, fut-ce au prix d’une hécatombe dans le camp de ses opposants. Or donc la communauté internationale avait durement sévi sur les régimes iraquien et libyen pour infiniment moins que cela. Et l’alliée chiite iranienne ne semble pas non plus craindre grand-chose de la puissance de feu de l’Otan. Assurée qu’elle est que nul, à l’exception de Tel-Aviv peut-être, ne s’en prendra militairement au pouvoir des mollahs. C’est que, depuis la chute de Kadhafi survenu il y a quelques mois à peine, la situation internationale a évolué à la vitesse grand "V". Au Conseil de sécurité de l’Onu, Moscou et Beijing ne décolèrent pas contre Paris et Londres. En cause, l’utilisation jugée abusive que Français et Britanniques ont fait du mandat accordé par l’Onu à l’Otan. Mandat qui n’était censé concerner que "la protection des populations civiles". La suite est connue…
Depuis donc, Russes et Chinois ont juré qu’on ne les y reprendra plus…
Il y a également le fait que les présidents français et américain remettent leur mandat en jeu au cours de cette année 2012. Ils ont donc autre chose à faire que d’aller guerroyer contre les musulmans. D’autant que Barack Obama lui-même a revu à la baisse le budget de l’armée des États-Unis. Au passage- la pression des républicains aidant- le président américain a clairement exclu la possibilité, pour son pays, de mener à l’avenir deux guerres de front. Et que l’armée américaine, même si elle se devait de demeurer la plus puissante du monde, éviterait désormais les situations d’enlisement telles en Afghanistan et en Irak.

Nids de vipères
La nouvelle profession de foi américaine sonne comme une douce musique aux oreilles du président iranien Ahmadinejad. Ce dernier peut ainsi vaquer aisément à la nucléarisation de son armée sans craindre une attaque militaire des États-Unis.
En Syrie Bashar El Assad savoure la même partition. Raison pourquoi la répression contre les opposants ne faiblit pas. Et ce, même si les observateurs de la Ligue arabe sont présents dans le pays. Surtout que ces derniers semblent marcher sur des œufs, évitant soigneusement de regarder là où il faut, au point d’ignorer la sauvage répression qui se perpètre pourtant sous leurs yeux ! D’ailleurs dans leur rapport présenté au secrétaire-général de la Ligue- mission accomplie ! - les observateurs ont renvoyé dos à dos le pouvoir et les manifestants dans la commission des violences. Difficile à croire quand on sait que, contrairement à la Libye, la rébellion de l’opposition syrienne n’est pas une insurrection armée…
Mais l’Occident et la Ligue arabe savent bien que la Syrie est un nid de vipères qu’il convient de ne pas secouer trop vivement : L’actuel régime alaouite de Damas se situe à la confluence des équilibres religieux et communautaires entre chiites et sunnites musulmans. Or donc la dynastie des Assad- le parti Baas en est la représentation politique- a jusqu’ici su garantir la stabilité de l’imbroglio confessionnel qui a toujours prévalu en Syrie et au Proche-Orient.
Alliés aux chiites pour survivre, les alaouites, minoritaires dans le pays, ont ainsi réussi à éviter d’être éradiqué par la majorité sunnite. Les Assad ont dû, pour ce faire, agir par la répression et dans l’instauration d’un ordre dictatorial que l’Occident a toujours toléré.

Aujourd’hui de faire tomber le pouvoir alaouite syrien affaiblirait considérablement l’axe chiite au Moyen-Orient (Iran-Irak-Syrie et Hezbollah libanais). Une situation qui bénéficierait aux pétromonarchies sunnites du Golfe qui redoutent l’hégémonie d’un Iran détenteur de la bombe nucléaire. Des préoccupations somme toute très éloignées de la réprobation affichée par ces régimes sur la situation des droits humains en Syrie. Or donc ces pétromonarchies sunnites (l’Arabie saoudite et les Émirats arabes-unis en particulier) sont intervenues militairement pour mater la rébellion chiite au gouvernement sunnite du Bahreïn ! N’était-ce pas le même appel à la démocratie que celui des Syriens, Libyens, Tunisiens, Égyptiens ? À croire que le printemps arabe n’était pas sunnite…

Que ceux qui ont des yeux
C’est dans ce contexte, un cadre de références exacerbé par des intérêts antagonistes, qu’évoluent les observateurs de la Ligue arabe. On ne s’étonnera guère que l’envoi de ces observateurs en Syrie ait été l’initiative des pays du Golfe justement…
Les envoyés de la Ligue arabe semblent avoir reçu pour consigne de ne pas voir. Ou d’aller voir ailleurs…
Aussi, après les avoir vus…ne rien faire, de nombreux Syriens sont d’avis qu’ils ne servent que d’alibi à Bachar-Al-Assad. Puisqu’en acceptant des observateurs sur son territoire le régime syrien donne à savoir qu’il a accédé aux exigences de la communauté internationale. D’autant que dans leur premier rapport à la Ligue ces "témoins" n’ont jamais clairement incriminé le pouvoir de Damas. Le Dr Assad, bon prince, leur accorde un mois de plus afin qu’ils constatent, de leurs propres yeux, qu’il n’y a pas de répression en Syrie. Or donc ce jeu a son revers : tous les médias internationaux se sont engouffrés dans la brèche ouverte en Syrie par les observateurs de la Ligue. Le monde entier peut donc voir ce qui s’y fait, les exactions commises par le gouvernement baasiste, on peut désormais voir ce que le président Bachar-Al-Assad nie !
Les monarchies sunnites du Golfe n’auraient pas pu trouver meilleur stratagème pour diaboliser le régime alaouite de Syrie aux yeux du monde. Et ce, sans jamais avoir elles-mêmes à l’attaquer de front ! Si le fils d’Hafez-Al-Assad survit à cette insurrection somme toute déclenchée par la majorité sunnite du pays, il se radicalisera. Et renforcera son alliance avec le chiisme iranien et irakien dont il dépend plus que jamais. Pour consolider une force politico-communautaire considérable et dont les Sunnites ont déjà raison de s’inquiéter ; eux qui ne comptent que sur l’Occident pour exister.
Au final il y a lieu de se demander si le statu quo en Syrie n’est pas préférable aux dangereux bouleversements qu’entrainera fatalement la chute de Bachar-Al-Assad.
Qui vivra verra !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ






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mardi, janvier 17, 2012

COTE D’IVOIRE

OUATARA OTAGE DU NOUVEL ORDRE SORO

By FoQus Media on Tuesday, January 17, 2012 at 6:12am
À Abidjan, c’est en catimini et en famille qu’on lave désormais le linge ensanglanté de la dernière guerre. Nul ne sait réellement ce qui s’y fait, sinon que "la situation s’améliore", aux dires du régime. On peut cependant imaginer ce qui s’y trame, car l’atmosphère y est délétère et propice à la cabale. Tout s’y prête : un président qui ne détient, des attributs de sa charge, que la seule légitimité lui conférée par l’Occident, telle une inutile onction. Alors que le sceptre du pouvoir se trouve fermement emprisonné dans les mains ambitieuses de son premier ministre !
Le président Alassane Ouattara, dont il y a peu on proclama un règne quasi messianique, ne fait déjà plus que cela : il règne. Sans gouverner.
Guillaume Soro est aujourd’hui le vrai maitre d’Abidjan. L’homme aura tôt compris- aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années- qu’en Afrique, et partout où la force brutale constitue la Loi, que les armes parlent plus haut que le droit. Mais aussi que les bonnes intentions se soumettent toujours au fait accompli. Dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui le président ne constitue en réalité qu’un faire-valoir, sinon qu’une sorte de faire-part qui annonce les décisions qu’il ne prend pas !

Nul ne peut l’en blâmer, il est seulement à plaindre, isolé dans sa tour d’ivoire, confiné au second rôle, relégué à la portion congrue d’un pouvoir qui ne lui aura appartenu que le temps d’une fausse révolution. Alassane Ouattara est un président pris en otage par la nouvelle configuration de son pays : la chute de Laurent Gbagbo a redistribué les cartes sans qu’il ait su tirer ni l’as, ni surtout le joker ! Or donc le joker c’est Guillaume Soro, tandis que les autres seigneurs de guerre se sont révélés des as ès exactions en tous genres, as de la rapine, du rançonnement, et de toutes sortes de méfaits dévolus à une république de bananes.
C’est cela le nouveau statu quo qui prévaut en Côte d’Ivoire, Ouattara ne l’avait pas vu venir tant il était obsédé par le fauteuil présidentiel. Il y est à présent assis pieds et poings liés.
Sans pouvoir s’en extirper pour gérer la Cité.

Le président ivoirien est un homme pétri de bonne volonté, il est soucieux de remettre son pays sur les chemins de sa prospérité d’antan. Ne serait-ce que pour mériter le satisfecit des Occidentaux, lequel vaut pour lui plus que toutes les récompenses. Mais ses prétentions sont entravées par l’encombrante "junte" qui l’entoure. Du premier ministre- lui-même ancien seigneur de guerre- aux hauts gradés de l’armée, le pays est livré à une soldatesque peu policée. Hormis quelques officiers supérieurs transfuges de l’armée ivoirienne et qui suivirent Soro dans sa rébellion des Forces nouvelles (FN) dès 2002, la nouvelle armée est un vrai fatras : des délinquants de droit commun y côtoient des tireurs à gages sanguinaires et des coupe-jarrets drogués, dans une joyeuseté de festival. Sauf que les uns et les autres portent des armes. Et s’en servent très souvent sur la population civile.
Malgré qu’il affiche une autosatisfaction de façade qui cache mal son malaise, le président se perd à trouver la solution à cet inextricable imbroglio.
Or donc son premier ministre, Guillaume Soro, a intérêt à ce que la situation demeure en l’état.
Il gage sur l’instabilité et l’insécurité pour garder ad vitae aeternam ses prérogatives à la primature. Surtout que le poste devait normalement revenir au PDCI de Henry Konan Bédié, allié opportuniste pendant la crise postélectorale ivoirienne.

Les soldats ivoiriens n’obtempèrent qu’aux seuls ordres de Guillaume Soro, raison pourquoi celui-ci détient également le ministère de la défense.
Jusqu’ici Bédié attendait sagement de récupérer "sa primature" une fois la pacification du territoire accomplie. Une pacification qui n’en finit pas de s’éterniser au grand dam du leader du PDCI. Le temps commence à sembler long à Henry Konan Bédié. Il piaffe d’impatience et se sent floué. Et rien, dans la situation sécuritaire actuelle du pays, ne suggère que le PDCI puisse jamais obtenir la primature. Bédié a assez d’expérience pour comprendre qu’en politique les alliances sont ponctuelles. Et que leurs bénéfices sont fidèlement proportionnels au rapport des forces. Depuis que le parti d’Alassane Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR), a remporté la majorité absolue au parlement, l’importance de Bédié a considérablement diminué aux yeux du président. Au point que celui-ci le paie aujourd’hui en monnaie de singe…
L’homme-clé c’est Soro ! Celui-ci est solidement installé en selle sans risque d’être désarçonné puisqu’il contrôle la force militaire.
C’est dire que l’alliance Ouattara-Bédié ne tient désormais presque…à plus rien !
Fort de son éclatante victoire aux législatives, le RDR surfe sur une vague de triomphalisme qui l’autorise d’agir comme un parti unique face à une opposition de façade. Surtout que le parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), s’est désengagé de tout processus politique.
Y compris celui, cher à Ouattara, de réconciliation nationale.

Quant à l’Occident auquel Ouattara doit tout, quoique ce dernier s’en défendit, il attend du régime ivoirien qu’il traduise en actes ses promesses de "justice pour tous", un leitmotiv dont le président ivoirien se prévalut imprudemment au lendemain de son installation au pouvoir par les forces de l’OTAN. Or donc depuis qu’il a livré Laurent Gbagbo à la CPI Ouattara n’en parle plus, comme si cette justice ne commençait et n’aboutissait qu’avec le transfèrement de son adversaire à La Haye. D’ailleurs jusqu’à présent seuls les membres du camp du président déchu ont eu maille à partir avec cette "justice des vainqueurs".
Puisque c’est ainsi qu’elle se présente aux yeux de tous : sélective, complaisante, clientéliste… bref nécessairement partiale parce qu’elle est au service du prince.
Tout semble indiquer que Ouattara fit alors une promesse inconsidérée dans l’euphorie de la victoire, un engagement qu’il n’a pas aujourd’hui les moyens d’honorer. Car cela lui exigerait d’aller débusquer, au sein même de l’armée, des ex-seigneurs de guerre qui y sont au demeurant déjà intégrés à des rangs supérieurs. Des hommes pour la plupart liés à Guillaume Soro par fidélité et donc par coresponsabilité. C’est-à-dire par le sort !
D’accuser les uns signifierait accuser l’autre.

Le tout puissant premier ministre ivoirien semble n’avoir eu d’autre choix, pour sauver sa peau, que celui d’assurer ses arrières. Guillaume Soro a su judicieusement placer ses pions dans l’armée afin de cadenasser les choses pour un impossible retour en arrière. Et ceci face à un président qui peine encore à revenir de ce fulgurant tour de passe-passe.
Or donc de briser ce "nouvel ordre Soro" risquerait de plonger le pays dans une crise dont Ouattara ne peut que sortir perdant. Raison pourquoi le président a opté pour le moindre mal.
Mais qui pourrait réellement l’en blâmer ? On ne gage pas sa vie sur de bonnes intentions. Fussent-elles nobles.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

dimanche, janvier 08, 2012

DIASPORA CONGOLAISE: Que veulent vraiment les "Combattants" ?

By FoQus Media on Sunday, January 8, 2012 at 6:01am

Un peu partout dans le monde, essentiellement en Occident, des groupuscules s’organisent, se réunissent plutôt, pour porter le combat contre la réélection de Joseph Kabila en Rdc.
Le mouvement, né presque en même temps que celui des "Indignés", a débuté ses actions avant la tenue du scrutin présidentiel. Pour s’intensifier après l’annonce des résultats.
En bien ou en mal les Combattants auront réussi, par certains de leurs coups d’éclat, à attirer l’attention du monde entier sur le Congo. En plus de rappeler à la communauté internationale, frappée d’amnésie, que ce pays figure une hécatombe de 5 millions de morts. En seulement un peu plus d’une décennie ! Que des femmes y sont violées au quotidien ainsi que nulle part ailleurs dans le monde. Que malgré ses richesses naturelles l’indice de développement y est l’un des plus bas au monde, et que les droits de l’homme y sont ostensiblement bafoués, etc.
À l’instar des Indignés sur le plan international, les Combattants militent en faveur d’autant de causes qu’il y a des maux au Congo. Or donc la multiplicité de ces revendications- elles portent en elles la complexité de leur résolution- apparentent leurs interventions à de l’improvisation. Comme si les Combattants ne savaient pas vraiment ce qu’ils veulent. Ou quoi faire.

Changement
Aux marches et autres manifestations voulues pacifiques, se mélange la molestation des dignitaires et sympathisants ("collabos") du régime. On semble tirer au juger, raison pourquoi on rate la cible. Car les actions des Combattants, isolées, n’offrent que peu d’efficacité au regard des buts qu’elles veulent atteindre. Et nul, au vrai, ne sait la nature exacte de ces buts, sinon qu’ils réfèrent au "changement"…
Voilà un terme générique, un protocole évasif, qui peut aisément englober tout et son contraire.
Toute révolution, à un moment donné de son évolution, doit nécessairement quitter le domaine de l’émotion pour se définir idéologiquement. C’est seulement ainsi qu’elle peut se fixer des objectifs clairs, lesquels inspireront des actions précises à poser : une cohérence qui participe d’une planification rigoureuse. C’est le gage de l’efficacité.
Les Combattants de la diaspora congolaise gagneraient à se doter d’un leadership qui les représenterait, et serait susceptible de coordonner toutes leurs interventions. Et ce, à partir d’une vision à laquelle tous souscriraient. Il leur faudrait d’abord, afin de se sortir de l’enfermement partisan, ne plus combattre sous la bannière de l’Udps. Car ce parti- surtout son chef- n’emporte pas l’adhésion de tous. Au Congo comme dans la diaspora…

Un dangereux amalgame
Ne pas savoir quoi faire est une lacune que peut aisément contrebalancer le fait de savoir quoi ne pas faire : or donc la violence physique contre les personnes et les biens dessert la noblesse de la cause puisqu’il confère au mouvement un caractère délinquant. Aussi bien auprès des compatriotes, que des Occidentaux dont on appelle l’arbitrage dans la réalité du pouvoir bicéphale au Congo.
Les actes de violence perpétrés ci et là contrarient les Occidentaux plus qu’ils n’emportent leur adhésion à une cause au demeurant mal définie. En Occident, depuis le 11/11/2001, tout ce qui ressemble de près ou de loin à des "actes terroristes" bénéficie d’un préjugé défavorable.
Sous la rubrique "menace terroriste" est désormais repris tout acte propre à mettre en péril la sécurité nationale et la paix publique. Et il importe peu que ladite menace soit exagérée ou pas, fausse ou avérée. Il suffit seulement que l’événement soit perçu comme tel. Alors, lorsqu’il s’agira de combattre ce danger, les Occidentaux balayeront du revers de la main les jugements moraux qu’ils appliquent aux autres. Après on verra
Pour eux, c’est une grave offense que de s’en prendre aux individus et aux biens (publics ou privés). De tels actes sont susceptibles d’installer un climat de terreur sur leur territoire.
Une situation intolérable qui appellera nécessairement une réponse répressive. Car dans leur lutte au terrorisme les Occidentaux ont déjà su se montrer inflexibles au point de suspendre, même temporairement, certains droits civiques de leurs propres concitoyens. Ils feront pire pour circonscrire tout "dérapage" provenant de la diaspora congolaise. Les Combattants n’ont donc pas intérêt à s’aliéner la faveur de ceux dont ils sollicitent le concours pour rétablir la "vérité des urnes" en Rdc.

Lucidité et Realpolitik
Lorsque l’on est demandeur il faut user de stratégie, et éviter la confrontation frontale.
En de termes plus clairs : sauf retournement spectaculaire de la situation- la chose est possible- le nouveau statu quo au Congo est appelé à durer. Joseph Kabila, fort justement de l’appui de l’Occident, détient l’effectivité du pouvoir au Congo et devrait la garder pour le quinquennat à venir. Il n’y a, à ce point-ci, aucun signe annonciateur d’une vérité contraire.
Qu’on s’entende : c’est ne pas se résigner que de lire correctement le donné factuel, la réalité sur le terrain. Cela s’appelle de la lucidité, une vertu qui permet d’agir en tenant compte du contexte "tel qu’il est". Et non tel que l’on voudrait qu’il soit.
C’est ce qui différencie l’idéal politique de la Realpolitik. Le premier terme réfère aux valeurs éthiques, cependant que dans le second on retrouve ce qui construit une réalité relativisée : tractations, compromis, intérêts à harmoniser, et parfois compromissions, bref tout ce qui convoque une stratégie basée sur les seuls faits…
À ignorer ce cadre de référence les actions des Combattants continueront de confiner à la gesticulation et au folklore, puisqu’elles n’influencent guère le statu quo qui prévaut au Congo, le vrai terrain des hostilités.

De fausses amours
La communauté internationale- l’Occident- fait toujours ses choix en rapport avec ses intérêts.
Et c’est tant mieux si ces choix rejoignent les intérêts des populations du Sud. Pour l’heure ils ont choisi, en Rdc, d’apporter leur soutien au président sortant Joseph Kabila. De même qu’ils optèrent pour Ouattara en Côte d’Ivoire. Ou aidèrent les Libyens à abattre Mouammar Kadhafi. Des choix froidement calculés et opérés avant ou pendant les crises politiques.
Mais pour autant ces choix ne sont pas coulés dans le béton, loin s’en faut.
Opportunistes agissant sans états d’âme, les Occidentaux ont maintes fois démontré leur capacité à changer leur fusil d’épaule lorsque le vent venait à tourner contre leur protégé du moment.
Deux conditions sine qua none les obligent à ce retournement : une déferlante de la pression populaire, ou l’ampleur d’une insurrection armée. Or donc la Rdc ne connait actuellement ni l’une, ni l’autre ! Raison pourquoi les Occidentaux garderont leur soutien à Joseph Kabila tant que les forces en présence seront en faveur de ce dernier. Et en coulisses ils s’emploient activement pour que les choses demeurent en l’état.

Les biens mal acquis
En tous les cas les Combattants ont déjà réussi ce tour de force d’ébranler le régime de Kinshasa, et de marquer une rupture dans l’histoire politique du Congo : nul, dans l’avenir, ne gagera plus sur la fraude pour se faire porter au pouvoir. Il y aura désormais "un avant et un après" le scrutin de novembre 2011 ! Bien plus, la vigilance des Combattants aura payé puisque les Congolais savent désormais les faits et gestes de leurs dirigeants. Mais aussi la nature et la localisation des biens mal acquis par la classe dirigeante et par leurs proches. Dorénavant il sera malaisé pour ces nouveaux riches d’aller en Occident y exhiber les signes ostentatoires de leurs richesses soustraites au patrimoine du peuple du Congo.
À la vanité se sont substitués l’inconfort et l’inquiétude.
La peur semble avoir changé de camp.
Mais là aussi, de seulement localiser, répertorier et montrer les "avoirs mal acquis" ne peut constituer une fin en soi. À la dénonciation populaire devrait s’ensuivre des actions judiciaires partout où cela s’avère nécessaire et possible. Il s’agit d’user à bon escient des outils légaux qu’offrent les pays d’accueil de la diaspora. Or donc sur ce chapitre un précédent existe déjà, notamment en France : en mai 2009 la justice française estimait recevable la plainte de l'ONG anticorruption Transparency International, concernant les biens détenus par la famille du défunt président Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzavile) et Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale) ! Mais à ce jour la justice française dénie à Transparency International la qualité de représenter les populations africaines victimes de spoliation par leurs élites politiques. Une plainte déposée en ce sens par des Congolais eux-mêmes, constitués partie civile, devrait connaitre une issue plus heureuse.
Ce qui importe dans une telle démarche, c’est sa portée symbolique. Elle avise les voleurs que les fruits de leurs rapines ne sont plus en sécurité nulle part.
Il est vrai que cette façon d’agir convoque des processus mentaux que le Congolais moyen n’explore guère d’ordinaire : pour faire les choses différemment il faut les penser autrement.
Sans avoir à se faire soi-même justice, le fait de saisir une justice plus indépendante pour demander des comptes au régime de la Rdc fragilise ce dernier. Ainsi que ses thuriféraires.

Des liens de sang
Puisque le pouvoir de Kinshasa ne tient que par la force et par sa concussion avec l’Occident, c’est en Occident qu’il faut miner son assise. En y menant des actions ciblées susceptibles de le décrédibiliser auprès de ses opportunistes soutiens. Ceci dans le but avoué de défaire ces liens qui entravent le développement du Congo. Le raïs égyptien Moubarak et le Tunisien Ben Ali sont la preuve que ce type de soutien ne tient qu’à un fil ; et qu’il est loin d’être indéfectible !
L’autre scénario, pour abattre le régime de Kabila, est de se doter d’une force supérieure à celle dont il dispose. Ou verser dans la guérilla urbaine, voire perpétrer des attentats terroristes.
Le Congo n’en est pas là, et il est à souhaiter que jamais il n’embrassera ce scénario du pire.
L’option de la violence, pour la Rdc, ne peut que s’avérer contre-productive. Même si l’on peut comprendre qu’un ras-le-bol parvenu à son paroxysme incline les Congolais de la diaspora à répondre à la violence du régime, au pays, par la violence en Occident. Mais passé le temps de l’émotion il faut convenir que la situation en Rdc ne s’en trouve guère changée. Le même régime (honni et vilipendé) demeure en place et détient le monopole de la violence. D’autant plus qu’il est le seul à en contrôler les instruments. Mais le monopole de la violence est une prérogative dévolue au seul pouvoir politique, en dictature comme en démocratie.

La lutte non violente n’est pas un signe de faiblesse. C’est au contraire la plus grande démonstration de force, la stratégie la mieux appropriée face à la barbarie. Elle déconcerte cette dernière, désarçonne sa tradition et son assurance puisqu’elle ne parle pas le même langage.
C’est au tour de la dictature de ne savoir quoi faire.
Il reste que cette stratégie inscrit son procès dans la durée, et peut s’avérer lent pour des Combattants piaffant d’impatience et désireux d’en découdre avec le régime. Or donc ses gains, puisqu’ils ne sont pas accumulés sur le sang des innocents, seront durables. Une telle posture a déjà l’avantage de rompre avec le cycle de la vengeance. Aussi ces jeunes loups, combattants devant l’Éternel, devraient s’approprier cette sagesse déduite de la logique : lorsqu’on n’a pas les moyens de sa politique, on fait la politique de ses moyens !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ