dimanche, janvier 08, 2012

DIASPORA CONGOLAISE: Que veulent vraiment les "Combattants" ?

By FoQus Media on Sunday, January 8, 2012 at 6:01am

Un peu partout dans le monde, essentiellement en Occident, des groupuscules s’organisent, se réunissent plutôt, pour porter le combat contre la réélection de Joseph Kabila en Rdc.
Le mouvement, né presque en même temps que celui des "Indignés", a débuté ses actions avant la tenue du scrutin présidentiel. Pour s’intensifier après l’annonce des résultats.
En bien ou en mal les Combattants auront réussi, par certains de leurs coups d’éclat, à attirer l’attention du monde entier sur le Congo. En plus de rappeler à la communauté internationale, frappée d’amnésie, que ce pays figure une hécatombe de 5 millions de morts. En seulement un peu plus d’une décennie ! Que des femmes y sont violées au quotidien ainsi que nulle part ailleurs dans le monde. Que malgré ses richesses naturelles l’indice de développement y est l’un des plus bas au monde, et que les droits de l’homme y sont ostensiblement bafoués, etc.
À l’instar des Indignés sur le plan international, les Combattants militent en faveur d’autant de causes qu’il y a des maux au Congo. Or donc la multiplicité de ces revendications- elles portent en elles la complexité de leur résolution- apparentent leurs interventions à de l’improvisation. Comme si les Combattants ne savaient pas vraiment ce qu’ils veulent. Ou quoi faire.

Changement
Aux marches et autres manifestations voulues pacifiques, se mélange la molestation des dignitaires et sympathisants ("collabos") du régime. On semble tirer au juger, raison pourquoi on rate la cible. Car les actions des Combattants, isolées, n’offrent que peu d’efficacité au regard des buts qu’elles veulent atteindre. Et nul, au vrai, ne sait la nature exacte de ces buts, sinon qu’ils réfèrent au "changement"…
Voilà un terme générique, un protocole évasif, qui peut aisément englober tout et son contraire.
Toute révolution, à un moment donné de son évolution, doit nécessairement quitter le domaine de l’émotion pour se définir idéologiquement. C’est seulement ainsi qu’elle peut se fixer des objectifs clairs, lesquels inspireront des actions précises à poser : une cohérence qui participe d’une planification rigoureuse. C’est le gage de l’efficacité.
Les Combattants de la diaspora congolaise gagneraient à se doter d’un leadership qui les représenterait, et serait susceptible de coordonner toutes leurs interventions. Et ce, à partir d’une vision à laquelle tous souscriraient. Il leur faudrait d’abord, afin de se sortir de l’enfermement partisan, ne plus combattre sous la bannière de l’Udps. Car ce parti- surtout son chef- n’emporte pas l’adhésion de tous. Au Congo comme dans la diaspora…

Un dangereux amalgame
Ne pas savoir quoi faire est une lacune que peut aisément contrebalancer le fait de savoir quoi ne pas faire : or donc la violence physique contre les personnes et les biens dessert la noblesse de la cause puisqu’il confère au mouvement un caractère délinquant. Aussi bien auprès des compatriotes, que des Occidentaux dont on appelle l’arbitrage dans la réalité du pouvoir bicéphale au Congo.
Les actes de violence perpétrés ci et là contrarient les Occidentaux plus qu’ils n’emportent leur adhésion à une cause au demeurant mal définie. En Occident, depuis le 11/11/2001, tout ce qui ressemble de près ou de loin à des "actes terroristes" bénéficie d’un préjugé défavorable.
Sous la rubrique "menace terroriste" est désormais repris tout acte propre à mettre en péril la sécurité nationale et la paix publique. Et il importe peu que ladite menace soit exagérée ou pas, fausse ou avérée. Il suffit seulement que l’événement soit perçu comme tel. Alors, lorsqu’il s’agira de combattre ce danger, les Occidentaux balayeront du revers de la main les jugements moraux qu’ils appliquent aux autres. Après on verra
Pour eux, c’est une grave offense que de s’en prendre aux individus et aux biens (publics ou privés). De tels actes sont susceptibles d’installer un climat de terreur sur leur territoire.
Une situation intolérable qui appellera nécessairement une réponse répressive. Car dans leur lutte au terrorisme les Occidentaux ont déjà su se montrer inflexibles au point de suspendre, même temporairement, certains droits civiques de leurs propres concitoyens. Ils feront pire pour circonscrire tout "dérapage" provenant de la diaspora congolaise. Les Combattants n’ont donc pas intérêt à s’aliéner la faveur de ceux dont ils sollicitent le concours pour rétablir la "vérité des urnes" en Rdc.

Lucidité et Realpolitik
Lorsque l’on est demandeur il faut user de stratégie, et éviter la confrontation frontale.
En de termes plus clairs : sauf retournement spectaculaire de la situation- la chose est possible- le nouveau statu quo au Congo est appelé à durer. Joseph Kabila, fort justement de l’appui de l’Occident, détient l’effectivité du pouvoir au Congo et devrait la garder pour le quinquennat à venir. Il n’y a, à ce point-ci, aucun signe annonciateur d’une vérité contraire.
Qu’on s’entende : c’est ne pas se résigner que de lire correctement le donné factuel, la réalité sur le terrain. Cela s’appelle de la lucidité, une vertu qui permet d’agir en tenant compte du contexte "tel qu’il est". Et non tel que l’on voudrait qu’il soit.
C’est ce qui différencie l’idéal politique de la Realpolitik. Le premier terme réfère aux valeurs éthiques, cependant que dans le second on retrouve ce qui construit une réalité relativisée : tractations, compromis, intérêts à harmoniser, et parfois compromissions, bref tout ce qui convoque une stratégie basée sur les seuls faits…
À ignorer ce cadre de référence les actions des Combattants continueront de confiner à la gesticulation et au folklore, puisqu’elles n’influencent guère le statu quo qui prévaut au Congo, le vrai terrain des hostilités.

De fausses amours
La communauté internationale- l’Occident- fait toujours ses choix en rapport avec ses intérêts.
Et c’est tant mieux si ces choix rejoignent les intérêts des populations du Sud. Pour l’heure ils ont choisi, en Rdc, d’apporter leur soutien au président sortant Joseph Kabila. De même qu’ils optèrent pour Ouattara en Côte d’Ivoire. Ou aidèrent les Libyens à abattre Mouammar Kadhafi. Des choix froidement calculés et opérés avant ou pendant les crises politiques.
Mais pour autant ces choix ne sont pas coulés dans le béton, loin s’en faut.
Opportunistes agissant sans états d’âme, les Occidentaux ont maintes fois démontré leur capacité à changer leur fusil d’épaule lorsque le vent venait à tourner contre leur protégé du moment.
Deux conditions sine qua none les obligent à ce retournement : une déferlante de la pression populaire, ou l’ampleur d’une insurrection armée. Or donc la Rdc ne connait actuellement ni l’une, ni l’autre ! Raison pourquoi les Occidentaux garderont leur soutien à Joseph Kabila tant que les forces en présence seront en faveur de ce dernier. Et en coulisses ils s’emploient activement pour que les choses demeurent en l’état.

Les biens mal acquis
En tous les cas les Combattants ont déjà réussi ce tour de force d’ébranler le régime de Kinshasa, et de marquer une rupture dans l’histoire politique du Congo : nul, dans l’avenir, ne gagera plus sur la fraude pour se faire porter au pouvoir. Il y aura désormais "un avant et un après" le scrutin de novembre 2011 ! Bien plus, la vigilance des Combattants aura payé puisque les Congolais savent désormais les faits et gestes de leurs dirigeants. Mais aussi la nature et la localisation des biens mal acquis par la classe dirigeante et par leurs proches. Dorénavant il sera malaisé pour ces nouveaux riches d’aller en Occident y exhiber les signes ostentatoires de leurs richesses soustraites au patrimoine du peuple du Congo.
À la vanité se sont substitués l’inconfort et l’inquiétude.
La peur semble avoir changé de camp.
Mais là aussi, de seulement localiser, répertorier et montrer les "avoirs mal acquis" ne peut constituer une fin en soi. À la dénonciation populaire devrait s’ensuivre des actions judiciaires partout où cela s’avère nécessaire et possible. Il s’agit d’user à bon escient des outils légaux qu’offrent les pays d’accueil de la diaspora. Or donc sur ce chapitre un précédent existe déjà, notamment en France : en mai 2009 la justice française estimait recevable la plainte de l'ONG anticorruption Transparency International, concernant les biens détenus par la famille du défunt président Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzavile) et Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale) ! Mais à ce jour la justice française dénie à Transparency International la qualité de représenter les populations africaines victimes de spoliation par leurs élites politiques. Une plainte déposée en ce sens par des Congolais eux-mêmes, constitués partie civile, devrait connaitre une issue plus heureuse.
Ce qui importe dans une telle démarche, c’est sa portée symbolique. Elle avise les voleurs que les fruits de leurs rapines ne sont plus en sécurité nulle part.
Il est vrai que cette façon d’agir convoque des processus mentaux que le Congolais moyen n’explore guère d’ordinaire : pour faire les choses différemment il faut les penser autrement.
Sans avoir à se faire soi-même justice, le fait de saisir une justice plus indépendante pour demander des comptes au régime de la Rdc fragilise ce dernier. Ainsi que ses thuriféraires.

Des liens de sang
Puisque le pouvoir de Kinshasa ne tient que par la force et par sa concussion avec l’Occident, c’est en Occident qu’il faut miner son assise. En y menant des actions ciblées susceptibles de le décrédibiliser auprès de ses opportunistes soutiens. Ceci dans le but avoué de défaire ces liens qui entravent le développement du Congo. Le raïs égyptien Moubarak et le Tunisien Ben Ali sont la preuve que ce type de soutien ne tient qu’à un fil ; et qu’il est loin d’être indéfectible !
L’autre scénario, pour abattre le régime de Kabila, est de se doter d’une force supérieure à celle dont il dispose. Ou verser dans la guérilla urbaine, voire perpétrer des attentats terroristes.
Le Congo n’en est pas là, et il est à souhaiter que jamais il n’embrassera ce scénario du pire.
L’option de la violence, pour la Rdc, ne peut que s’avérer contre-productive. Même si l’on peut comprendre qu’un ras-le-bol parvenu à son paroxysme incline les Congolais de la diaspora à répondre à la violence du régime, au pays, par la violence en Occident. Mais passé le temps de l’émotion il faut convenir que la situation en Rdc ne s’en trouve guère changée. Le même régime (honni et vilipendé) demeure en place et détient le monopole de la violence. D’autant plus qu’il est le seul à en contrôler les instruments. Mais le monopole de la violence est une prérogative dévolue au seul pouvoir politique, en dictature comme en démocratie.

La lutte non violente n’est pas un signe de faiblesse. C’est au contraire la plus grande démonstration de force, la stratégie la mieux appropriée face à la barbarie. Elle déconcerte cette dernière, désarçonne sa tradition et son assurance puisqu’elle ne parle pas le même langage.
C’est au tour de la dictature de ne savoir quoi faire.
Il reste que cette stratégie inscrit son procès dans la durée, et peut s’avérer lent pour des Combattants piaffant d’impatience et désireux d’en découdre avec le régime. Or donc ses gains, puisqu’ils ne sont pas accumulés sur le sang des innocents, seront durables. Une telle posture a déjà l’avantage de rompre avec le cycle de la vengeance. Aussi ces jeunes loups, combattants devant l’Éternel, devraient s’approprier cette sagesse déduite de la logique : lorsqu’on n’a pas les moyens de sa politique, on fait la politique de ses moyens !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ