lundi, mai 18, 2009

VENEZ VOIR LES COMÉDIENS!

En ce XXIème siècle, parfois au cœur même des "démocraties établies"- En Europe, en Amérique et en Australie- certaines minorités ethniques vivent en marge de la société.
On cherche par tous les moyens de les rejeter au loin tel un os resté pris en travers de la gorge. Dans le vieux continent les Gitans dérangent. Essaimant et proliférant comme des mouches dont on serait tenté de freiner la progression- ou la propagation. En Australie, au Canada et aux Etats-Unis (contrairement au reste de l’Amérique où des escadrons de la mort sévissent souvent impunément en l’endroit des autochtones), le sentiment envers les "Indiens" est heureusement moins rébarbatif, loin s’en faut. Même si ce n’est pas faute d’avoir essayé : les tentatives d’extermination des autochtones par les conquistadores venus d’Europe demeurent vivaces dans les mémoires des descendants des victimes !
Or donc l’Europe : Terreau du "racisme international ?
Lors même les Gitans "européens “croissent en nombre, ailleurs, Premières nations canadiennes, américaines et Aborigènes australiens sont effectivement menacés d’extinction. Précédés dans l’oubli par le quasi délitement de leurs cultures respectives. Nonobstant le fait que les lois dictées par le souci de préservation des reliques- c’est bon pour le tourisme- tentent vaille que vaille d’en restaurer les fondements. Ainsi qu’on tente de remettre dans sa jarre de l’huile répandue.
Le lien entre toutes ses singularités : les unes et les autres évoluent en périphérie du grouillement social ; stockées dans des réserves, constituées en bandes, regroupées en hordes, voire en meutes.
Acceptées, tolérées, supportées et souvent ostracisées…
EMERY G. UHINDU-GINGALA


Rroms, Tziganes, Gitans, Gens du voyage…Des appellations exotiques aux accents de "flamenco", rythme dont sont au demeurant crédités ceux au compte desquels, la plupart du temps, il est porté maraudages, rapines, vols, et depuis peu meurtres.
Quoique citoyens européens à part entière, ils sont partout indésirables. Ils le sont même dans leurs propres pays d’où ils pêchent cependant par non intégration. Nomades, les Rroms n’ont jamais su ou voulu prendre racines. S’exonérant du lien territorial ils se sentent partout chez eux. Cependant qu’ils sont étrangers pour tous !
Or donc une des principales directives du Traité de Lisbonne(1) consacre la circulation des personnes…
Les Gens du voyage- analphabètes pour la majorité- ont bien compris qu’ils pouvaient désormais voyager allègrement à travers l’Europe. Et installer leurs caravanes là où l’on voulait bien d’eux. C’est-à-dire nulle part ! Les Tziganes sont à ce point honnis par les populations des pays qu’ils souillent que les gouvernements essaient, au mépris du Traité de Lisbonne, de s’en défaire par tous les moyens. Certains adoptent des dispositions locales expressément destinées à contrôler le séjour des Roms chez eux. La palme revient bien évidemment à l’Italien Silvio Berlusconi. Son ministre de l’intérieur a conçu une loi néo-fasciste que lui envierait le "Duce" Mussolini lui-même. Le signor Roberto Maroni a donc plus que souhaité- on parle d’une loi- que l’on prélevât les empreintes digitales des Rroms séjournant en Italie…Criminels avant le crime !
Ce à quoi s’est objecté le parlement européen, rappelant fermement Rome à la modération : L’Europe est, et demeure, un ensemble féru des droits humains.
La France, elle, fait dans la subtilité. Le ministre Brice Hortefeux (il a la charge de l’immigration, de l’intégration sociale, et du codéveloppement) a pensé à un stratagème tout ce qui a de plus sarkozien pour contrer l’établissement des Tziganes en sol français. Ces derniers sont désormais considérés comme des touristes ou…ravalés au rang des "sans-papiers". Dans le premier cas ils sont autorisés, ainsi que pour tous les touristes, de demeurer en France pour une durée de trois mois moins un jour. Passé ce délai la loi exige des preuves des subsides…
Une grosse blague lorsqu’on sait que le chômage des Rroms atteint la vertigineuse proportion de 90%, où qu’ils soient. Et comme la législation française leur interdit le droit au travail, ils finissent fatalement par être reconduits aux frontières ; ou “invités” au départ contre un maigre pécule. Entre ces deux alternatives les Gitans connaissent plus qu’à leur tour l’expulsion manu militari des terrains sur lesquels ils bivouaquent. Surtout que ces terrains, après un tour de passe-passe des autorités municipales, trouvent diligemment une nouvelle vocation : ils sont destinés à d’urgentes mises en chantier !
Peu rares aussi : les cas de molestation par la population ; sinon que par les forces de l’ordre !
Les Rroms ne sont en sécurité nulle part. Ils ne doivent parfois le salut que dans la "relocalisation" d’une préfecture à l’autre, la fuite, le statut de réfugié- au demeurant rarement accordé. Sauf dans les cas d’extrême violence.
Toutes ces mesures accréditent le souhait ouvertement exprimé par un premier ministre de la fédération de Russie, qu’un bon Rrom est un Rrom mort

"The wild wild west"
L’une des attractions des touristes, européens et asiatiques en particulier, visitant le Canada, et dans une moindre mesure les Etats-Unis, est de pouvoir y voir les Indiens se prélassant nonchalamment devant leurs tipis et s’interpellant par volutes de fumée interposées. Or donc les huttes de peau ont depuis longtemps fait place à des habitations préfabriquées. Sioux, Apaches et autres Cris n’enfourchent guère plus de hongres pur-sang ; même si les Inuits(2), l’hiver polaire venu, se déplacent encore en traineaux à chiens. Les uns et les autres se servent d’ordinaire des engins motorisés comme tout le monde, le téléphone et l’ordinateur portables en bandoulière. Mais tous les clichés demeurent vivaces. Ils ont seulement "évolué", s’inscrivant dans l’air du temps. La technologie a sévi là aussi. Cependant tout n’est pas perdu pour le touriste désillusionné. Les désormais "Premières nations", ou "Autochtones", sont passés d’un état sauvage à un autre. Ils sont aujourd’hui relégués dans des réserves ; vivant en marge du reste de la société. Pour des raisons de préservation de la culture et de cette… espèce menacée. La prunelle des yeux du gouvernement canadien, en somme. Ou seulement que joyaux de la Couronne. Et à l’instar des tous les joyaux celui-ci est enfermé. Caché. Souvent montré…mais- toujours- du doigt. Pour haïr ou s’extasier selon que l’on est Canadien ou touriste. Parce que les résolutions attentionnées des autorités publiques ne rejoignent pas toujours les sentiments de la population : Les Canadiens blancs estiment, dans leur majorité, que les Premières nations bénéficient d’une sorte de discrimination positive qui ne veut pas dire son nom. Au vrai les Autochtones- mais également toutes les autres minorités ethniques (les gens de couleur, en de termes plus politiquement correct)- sont censées, sur le chapitre de l’emploi dans la fonction publique, être préférés aux Blancs. A compétence égale. Question de représentativité aux fins d’une politique volontariste d’atteinte de cotas. Lesquels, il faut le souligner, ne les sont jamais. Mais cela personne ne le sait.
Rien d’autre ne rapproche les autres minorités des Autochtones. Les premières vivent dans la population d’accueil. Alors que les Premières nations sont expressément encouragées à demeurer dans leurs réserves. A coups d’incitatifs les uns plus pernicieux que les autres : l’assistance financière publique pour ceux qui demeurent dans la réserve ; ou encore : tous les produits manufacturés écoulés dans les réserves indiennes sont exemptés des taxes. Le reste de la population canadienne l’accepte mal, elle qui croule sous une des taxations les plus pesantes du monde occidental. Inutile de dire qu’un tel "privilège" produit indubitablement des effets pervers, dont la contrebande n’est pas le moindre. Les cigarettes- mais aussi les armes etc.- passent la frontière- poreuse- entre le Canada et les Etats-Unis. Parce que par une acception des plus irrédentistes- encore un travers- les Indiens des deux côtés de la frontière se considèrent membres d’un seul et même ensemble. Exit les nationalités. Et donc les loyautés à la patrie. Et les règles qui régissent cette dernière. Au premier chapitre, le Droit : ce dernier est, dans certaines réserves, seulement coutumier ; et généralement dit par une "assemblée des sages" rompue au seul exercice des us et traditions ancestraux. Chez les Inuits la justice est carrément trimestrielle…
Un juge s’y rend pour une seule journée, transporté par avion ! Dans l’intervalle le territoire demeure une zone de non-droit délaissée aux mains des chefs de bande(3) ; ceux-ci y font la pluie et le beau temps ainsi que jadis le sorcier et le Grand sachem.
Les polices fédérale et provinciale n’ont quasiment pas droit de cité dans les réserves autochtones ; n’y intervenant que dans de cas d’extrême gravité. C’est-à- dire presque jamais. Des "peacekeepers", agents de sécurité locaux, peinent à y maintenir la paix.
Une autre exception acquise de fait par les Autochtones, l’alcool. Il coule à flots chez eux. Mais sans tarir. C’est que, dans ces véritables ilots de permissivité que sont les réserves aucune réglementation ne limite l’accès à l’alcool. Même les Blancs, au sortir de leurs bars précocement fermés, s’en vont finir des soirées indéfiniment arrosées auprès de leurs "concitoyens autochtones" ; se délectant de la saveur de l’herbe du voisin !
A propos de l’herbe- ou de tout produit toxique s’y apparentant- elle se trouve là aussi abondante pour le plaisir de tous les consommateurs. Les Blancs comme les Autochtones. La drogue sévit dramatiquement chez les Premières nations, décimant les populations, surtout les jeunes, bien plus efficacement qu’autrefois les mousquets des conquérants. Lors même la drogue est bon marché dans les réserves, elle n’y est cependant pas à la portée de toutes les bourses. Les jeunes ont tôt fait de trouver des solutions de substitution en aspirant des vapeurs, hautement toxiques, de goudron ! Parfois jusqu’à la mort. Lorsqu’ils ne se suicident pas avant(4).
Certaines populations autochtones vivent dans des conditions sanitaires avoisinant le tiers-monde : sans eau courante ni électricité. Au Canada, au XXIème siècle…

D’une Amérique à l’autre
A quelque controverse près, les droits des Premières nations du Canada et des États-Unis sont bien réels et garantis. Codifiés par des textes de loi. Ailleurs en Amérique la condition des peuples indigènes est peu reluisante, leurs droits fondamentaux ouvertement bafoués. Du Mexique- la poudrière du Chiapas- au Guatemala, du Pérou à la Bolivie, en passant par Ecuador, partout les Indiens sont relégués à la condition de citoyens de seconde zone au mieux, dans le pire des cas ils sont assimilés à des "sous-hommes". Avec une préférence marquée pour la deuxième catégorie.
Cultures millénaires aujourd’hui ravalées au rang de simples traditions, l’ingéniosité des mythiques civilisations aztèques et autres incas n’est désormais plus mobilisée que pour la survie : aux revendications territoriales succèdent celles de la jouissance des ressources naturelles, d’un statut politico-juridique, socioculturel et éducatif. Bref, la reconnaissance de la citoyenneté telle que promulguée par la Cité…
Les pouvoirs publics des pays d’Amérique centrale- le Mexique avec eux- évoquent, pour ne pas céder la moindre parcelle d’autonomie à " leurs indigènes", la crainte de la fragmentation de l’État ! Et de procéder à une assimilation forcée des communautés indiennes. Dans le but à peine caché d’une harmonisation qui ressemble à s’y méprendre à une aveugle uniformisation de la culture. Faisant ainsi d’une pierre deux coups : Préserver l’unité du pays ; et éradiquer toute revendication susceptible d’obliger le gouvernement à délier bourse aux titres de dédommagements compensatoires pour tous les méfaits commis, de génération en génération, sur les peuples autochtones. Ainsi qu’en on bénéficié les Premières nations canadiennes.
Or donc en Amérique centrale il s’agit de dénier aux Indiens tous droits ancestraux sur les territoires des leurs aïeux. Du Canada l’on emprunte la politique des réserves. Ici les "bénéficiaires" la rejettent massivement. Parce qu’au Canada ces enclaves, jouissant au demeurant d’une large autonomie, sont nécessairement érigées sur les terres ancestrales des indigènes. Dont on veut restaurer la culture. Cependant que les Indiens du Mexique et d’ailleurs en Amérique centrale sont systématiquement expropriés au nom d’une brutale industrialisation qui semble ne connaitre aucune limite. A contrario les Indiens canadiens exigent et obtiennent, autant que faire se peut, que les ressources naturelles exploitées sur leurs territoires- par le gouvernement ou les multinationales- profitent à leur peuple. Au nom des droits ancestraux, justement !
Destruction du tissu socioculturel d’une part. Préservation de ces mêmes valeurs de l’autre. Tout un monde sépare les Amérindiens du Canada et des Etats-Unis, à ceux de l’Amérique centrale. Les premiers jouissent d’un statut "spécial" décrié par leurs propres concitoyens blancs. Cependant que les indigènes guatémaltèques vivent une situation de quasi-apartheid. Pire en tous les cas que l’assimilation forcée préconisée par le Mexique.
De tels contextes, extrêmes, sont propices à l’émergence d’une résistance radicale. Mais, et surtout dans ces deux pays, ces mouvements d’émancipation de la cause autochtone sont sauvagement réprimés. La "sale besogne" est souvent laissée aux mains des réseaux paramilitaires ayant des accointances avérées avec l’armée ; et recevant directement ordres et moyens techniques auprès de la haute hiérarchie militaire. L’idéologie sous-jacente est ouvertement déclarée raciale voire raciste. Mais d’un racisme exacerbé, parvenu au paroxysme du déni de l’autre. Les moyens : massacres des populations indigènes, viols, pillages…épuration ethnique qui, perpétrée sous d’autres cieux- ou seulement sur d’autres peuples- serait reconnue comme génocide !

Révolution à la carte contre refus global
Malgré quelques échauffourées à verser au répertoire des contentieux- somme toute légers- en suspens, au Canada plus qu’ailleurs, Blancs et Autochtones ont définitivement fumé le calumet de la paix. Remisés les mousquets, enterrée la hache de guerre. La prise en charge des Premières nations canadiennes a eu pour effet d’endormir le bellicisme qui animait les "Anciens" ; tempérant de beaucoup la combativité de nouvelles générations. Aujourd’hui on monte au créneau pour des causes soigneusement ciblées. On s’insurge au cas par cas. On revendique à la carte en somme.
Chefs de bandes et Grands chefs- les uns et les autres démocratiquement élus- sont les seuls qui prennent langue avec les pouvoirs publics. Ces "Grands sachems" des temps modernes sont généralement des universitaires rompus à la pratique du droit ou de l’administration publique.
Alors que les leaders indigènes de l’Amérique latine sont, dans la majorité, issus des rangs de la résistance. Et leur stature atteint, à cause de l’acuité de leur combat- le sort dramatique des leurs a fini par sensibiliser la communauté internationale- une notoriété dépassant le cadre local. Rigoberta Menchu la Guatémaltèque, prix Nobel de la paix, a été la candidate malheureuse à l’élection présidentielle de son pays.
Au Pérou Evo Morales a eu plus de fortune. Contre toute attente il a été élu président. Contre la volonté des Blancs. Rien d’étonnant à ce qu’il peine à préserver l’unité du pays mise à mal par certaines provinces les plus riches, bastion des Blancs. Ces provinces se sont brusquement découvert des vertus autonomistes. C’est seulement que la pilule n’est toujours pas digérée par la caste des privilégiés qui conçoit comme une suprême insulte d’être dirigée par un indigène : l’indien, cette "chose" longtemps reléguée dans les oubliettes de l’histoire ; et que l’on ressort au besoin pour des motifs anthropologiques, ainsi qu’on exhibe des fossiles. Ou tout simplement pour impressionner les touristes.
Campés de force, et tour à tour, aux rôles d’objets/sujets antiques ; ou d’artistes, l’Aztèque, l’Inca…l’Indien, ne sauraient exister autrement.
Or les artistes, comme chacun le sait, c’est fait pour divertir. Mais seulement pour cela.
EMERY G. UHINDU-GINGALA


(1) Traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 par les 27 membres constituant l’Union européenne.
(2)Inuits : Peuple autochtone- 10.000 membres- du Québec habitant le Grand nord canadien sur un vaste territoire de chasse et de pêche désigné sous l’appellation de Nunavik.
(3) La désignation n’a rien de péjoratif. Les chefs de bande sont des dirigeants autochtones démocratiquement élus par les leurs ; et dont la légitimité est dûment reconnue par le gouvernement fédéral canadien.
(4) Selon un rapport rédigé en 2007 pour le compte de la Fondation autochtone de guérison, le taux de suicide est trois fois plus élevé chez les autochtones que dans la population non-autochtone.
Voire aussi le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (février 1995)

vendredi, mai 08, 2009

Que m’importe le jour?
Que m’importe le monde?
Je dirai qu’ils sont beaux
Quand tes yeux me l'auront dit

Alfred de Vigny, Les Destinées



Madame
Ceci ne vient pas du cœur
Que je m’en veuille de ne t’avoir que là
Or donc je n’ai de lieu digne que tu y siégeât
Madame tu portes mon projet
Vers l’idéal
Que souvent tu frôle
De tes yeux si beaux
Si grand ouverts sur nous

Orfèvre, voici mes infirmités
Tu as tant à réparer
Mon être disloqué
A ta promesse va claudiquant
Il n’y a pas d’autre façon
La voie, la seule
Tu es ma chair et mon sang
Que tu m’as laissée dire de toi

Et ce n’est que moi ma dame,
Qui ainsi t’aime
Je le jure ma femme
Et que Dieu daigne
Te prêter mon âme
Si j’économise mes armes
Au moment d’honorer tes charmes
Dieu sait ma flamme
Même quand je m’emporte et blâme
Ce que j’ai de mieux, ma femme

Tel un fleuve troublé
Ma vie s’écoule
Là encore sous tes yeux
Ainsi ta vue brouillée
Me voit, hélas, à ma bonne fortune
Or donc je fais eau de toute part
Naviguant à vue
Barrant à l’urgence
Seulement que pour tes bras
J’ai encore le temps

Madame, merci pour ma femme
Aussi pour mes pousses, mes poussins
Chaudement couvés
Dans ta main
Ah! Que ne suis-je mes enfants
Ton poussin
Pour ne jamais être transis
De froid, de peur, d’effroi
Mais comblé par la joyeuse stupeur
De ces enfants même
Qui ne vinrent pas de ton sein

Éloigne d’un tendre baiser encore
La peine de cette coupe bue jusqu’à la lie
Et qui trop souvent noie ma foi
Tes yeux madame
Si beaux, si grands
Savent même pleurer ma détresse
Lors aujourd’hui mes ans ingrats
Et aussi ceux d’avant toi
Fuient et fuguent
Je ne veux durer encore
Madame
Seulement pour que je t’aime encore

Tu vêts mon être
Ainsi qu’une douloureuse scarification
Sur une peau tendue
Pour qu’on y posa tendrement
Délicatement ces choses
Le sacré
Des choses plus précieuses
Que des baisés muets
Une chose, mon regard énamouré

Vois-tu, madame
Non tu ne saurais voir
Les tourments que mes nuits de veille
T’épargnent
Le pleur et la prière que tu n’entends pas
Volés par ton sommeil
Lors il me prête son secours complice
Tu ne devrais voir
Que je pleure et je prie
Pour ne jamais te perdre

Voici madame
Pourquoi je suis si peu aimé
D’entre des mains profanes seules
J’ai soustrait, je le confesse
Un onyx échappé des mains de Dieu
Ceux qui me désobligent
A cause de toi
Égrènent en mon envers
Un chapelet d’imprécations
Ils ont la morale pour eux
Et la Loi contre moi
Pour Hadassa, la reine Esther
Que j’ai faite mienne

Que mes yeux jamais ne ferment
Sinon qu’emplis du caramel
De ta peau que nul plis n’insulte
Et ma bouche, ma langue
Savent en dire toutes les saveurs
Du caramel aussi
Du miel recueilli
Sur les monts que seul
Un fol aplomb me permit de gravir
Quand je lisais sur ces précieuses reliques
Tes yeux
Ou bien crus-je sottement
Que tu raffolais que je fus si héroïque

A vrai dire, voici :
Merci madame
Dans la sombre émeraude de tes prunelles
Je peux dormir
Et m’éveiller et choisir
Souvent j’oscille entre ciel et terre
Entre la vie et la mort
Tu remmènes un peu de ciel
Ici sur ma terre
La vie avec toi
La mort…pour toi
Thank you madam

Je ne peux donner, madame
Que ce que j’ai
Mes lettres
Mon sceptre
Tout mon amour
,
Ton mari

EMERY G. UHINDU-GINGALA

A Bijou Mbuangi,
Mille raisons
S’il en est une
Qui inspire cette apologie
D’une muse


AVE
Ailée elle s’envole
Nymphe impudente qui grimpe
Enlace et s’enroule
Verte et peu vertueuse lierre
Autour des plus vertigineuses tours
Chatouillant de ses rires étouffés ses majestés, toutes
Brulée par les dards de l’odalisque
Des cracheurs de feu
Poursuivent son train de leur incandescente assiduité
Noire d’ébène, nègre, folâtre, volage, altière, altesse
Princesse
Et sans cesse sollicitée pour ses charmes

Sur les champs ensanglantés elle marche
Sans un regard pour le glaive mercenaire des gladiateurs
Meurtrie au sortir du temps
Eux, ivres de gloire, triomphent au péril d’une vie inutile
D’une arène à l’autre
Ils agonisent le mot qu’ils se passent
Leur dernier et ultime soupir
Elle ne sait qu’en dire
Oui. Non. Salut!
Elle miaule son désarroi

Sur ses pas les affreux confessent et jurent
Ave princesse! Morituri te salutent.
Ceux qui vont mourir te saluent!
Funeste oraison des vaincus
Doux mais sempiternel solfège
Elles en ont entendu d’autres
Ces oreilles cerclées d’or
Comme autant de vulgaires colifichets

Mais c’est entendu
C’est l’appel, l’assaut des fortifications
Toujours autres
Avec de chastes œillades au destin elle taquine, badine
Ces promesses qui font le lit de ses nuits et jours
Et aussi celles, nombreuses, que nul ne lui fit
Ses yeux chatoient les peines des plaies mille fois léchées
La vague à l’âme, souvent
Mais le cœur à la fête
Toujours

Voilée elle se découvre dans le secret des ses alcôves
Au plaisir corrompu de l’intrigue
Les allées sont emplies de ses effluves entêtées et courtisanes
Ces humeurs qui convient grands et petits à ses libations
Vertigineuses kermesses
Embusquées reines et autres têtes couronnées et courroucées
Portent le deuil de leurs amours désaffectées
Et dans ce dédale de la défiance
Rien ne lui porte ombrage
Elle marche voilée
Nue vue
Très connue

Salut! Elle passe encore
Corsaires et flibustiers battent pavillon haut
Mille campagnes, autant de guerres
Des ailes brulées par la bataille
Et une folle équipée des artifices
Jetés comme autant des maléfices
Faux sortilèges d’une femme trop désirée
Et si peu aimée
Si mal aimée
Le voile en poupe
Voici pour la victoire
Voilà pour la peine
Ailée elle s’envole
Chaque jour vers des pourtours inconnus

Montréal l’hostile
Et quand point le jour sur Manhattan
Des fonds abyssaux du Potomac
Surgissent monstres marins et autres apparitions spectrales
Elle est là, à Washington
Partout on la voit
En faction on épie les ruelles des villes de rêve
Et les mailles de la toile du Web
Affichée sur HI5
L’avenue des femmes fatales
On sait où la trouver
Tous ses chemins mènent à l’homme

Libre et libertine
De ses yeux givrés perlent l’ivresse
Femme et enfant
Son corps menu coulé pour la féria
Aussi la folle hardiesse
Des joies épiques
Aussi la corrida
Pour faire corps avec le toréador
Olé!

Petite chose tant vue
Plus que les grandes
Dont elle sait si bien s’éprendre
Mordant dans la vie telle en une pomme
Son effluve sauvage encore sur la Grande Pomme
Elle figure la femme de son temps
Sans la mémoire d’hier
Demain peut-être
Ou même jamais
Son nom sur une haute stèle
La statue de la liberté
Ave!

Emery G. Uhindu-Gingala