mercredi, février 22, 2012

ONU : Le monstre se mord la queue

By FoQus Media on Monday, February 20, 2012 at 5:13am

L’impasse dans laquelle se trouve la crise Syrienne démontre une fois de plus- une de trop ?- que les outils de résolution de crise dont se sert l’Onu sont inadaptés à l’environnement politique international actuel. Le "Grand machin", désuet et lourd, semble désormais avoir des cailloux dans sa mécanique d’un autre âge. Ces couacs ont pour noms Conseil de sécurité et droit de véto. L’appareil onusien, conçu dès après la seconde Grande Guerre, avait alors pour vocation la promotion de la paix entre des États souverains. Et cette organisation supranationale y réussissait assez bien jusqu’à ce que, aux guerres internationales, s’ajoutèrent d’autres formes de conflits toujours plus complexes à circonscrire : insurrections infranationales, guerres interethniques…
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ


Depuis plusieurs décennies l’Organisation des Nations Unies marche à l’aveuglette, à tâtons, essayant de s’adapter au cas par cas aux événements qui se posent, parfois brutalement, à elle. Ceci alors même que des règles et principes bien précis organisent les actions de l’Onu autour de la prévention et de la résolution des conflits interétatiques. Les deux guerres mondiales ont servi de fondement à cette institution en donnant de la substance à son objectif de paix. L’Onu a toujours œuvré afin que de tels événements n’aient plus jamais lieu ! Un projet dantesque, s’il en est, mais le monde entier était appelé à y contribuer. Nul à l’époque, dans le procès de sa création, n’avait prévu que l’Onu aurait un jour à faire face à des fléaux tels le terrorisme international, la piraterie maritime, la prolifération des armes de destruction massive et chimique, au danger d’une bombe nucléaire accessible à tous…
Raison pourquoi aujourd’hui des alliances politico-militaires, et parfois même un seul pays, tentent de se substituer à cette carence pour décanter des situations pour lesquels l’Onu ne dispose manifestement pas d’outils appropriés. Avec le risque, hélas avéré, des dérapages tels en Irak, en Afghanistan, en Libye, et dans une moindre mesure en Côte d’Ivoire.

Le multilatéralisme : règle d’or !
Il va sans dire que l’unilatéralisme est une conduite fortement banni par l’Onu, laquelle privilégie- c’est écrit dans ses statuts constitutifs- des actions concertées par l’ensemble des pays souverains qui la constituent. Mais cela, c’est sur le papier : les États-Unis ont quelque fois agi en cavalier seul, mettant à mal le principe du multilatéralisme cher à l’Onu. Quant à l’Otan- l’Alliance atlantique-nord constitue la plus puissante force militaire intégrée du monde- elle sollicite généralement un mandat du Conseil de sécurité de l’Onu avant que d’intervenir militairement sur un théâtre des hostilités. Quitte, par la suite, à réinterpréter ledit mandat pour des fins d’un agenda généralement caché. Ce furent les cas en Côte d’Ivoire et en Libye. Des cas d’école qui ont fortement contribué à l’actuelle impasse sur une résolution condamnant le régime syrien.
Or donc l’Otan s’est aussi réservé un petit espace d’unilatéralisme lorsqu’un conflit se déroule sur ses frontières. Au nom de la sécurité des parties qui la constituent (Europe occidentale, États-Unis et Canada), l’Otan s’est dotée de la prérogative d’agir sans en référer à l’Onu.
Là s’arrêtent les similitudes entre les mandats dévolus à l’Onu et ceux dont l’Otan se prévaut.
L’organisation des Nations Unies recherche la paix dans le monde par la prévention des conflits et leur résolution aux moyens de l’intervention entre les belligérants. C’est le rôle des "Casques bleus" de l’Onu. L’Otan, elle, recourt à la force militaire pour contraindre une des parties au conflit à se conformer à une résolution votée par le Conseil de sécurité de l’Onu. Ou décidée en marge de cette dernière par les membres de l’Alliance atlantique.
La nuance est de taille : d’un côté des contingents militaires internationaux s’interposent entre les parties belligérantes pour arrêter la guerre. S’ensuit un processus, généralement long, consistant à les réunir autour de la même table afin d’aboutir à une paix négociée. C’est le fait de l’Onu.
De l’autre côté il y a l’Otan : sa formidable force de frappe, à nulle autre pareille, n’intervient que pour mater un camp au profit d’un autre. Au détriment de la diplomatie et de la préservation des vies humaines. Car les interventions musclées de son armada, quand elles peuvent conclure rapidement, font parfois plus de victimes civiles que les guerres qu’elle prétend circonscrire.
"Des victimes collatérales" rapidement rangées dans la rubrique des pertes et profits, si ce n’était qu’il s’agit des hommes, des femmes et des enfants.

Conseil de sécurité et droit de véto
Dans l’appareil onusien, le Conseil de sécurité représente le pouvoir au sein du pouvoir. C’est à ces cinq membres permanents (États-Unis, Russie, France, Chine et Grande-Bretagne) que reviennent la décision, à propos des questions cruciales de sécurité dans le monde, de voter les redoutables résolutions qui condamnent les actions d’un pays pris à défaut. Un pouvoir immense dont personne ne leur a jamais donné mandat. Au départ cet aréopage n’était formé que des vainqueurs de la seconde guerre mondiale. La Chine y a accédé plus tard à la faveur d’une puissance militaire, et économique, augmentée au fil des années. Or donc ce dernier critère, la puissance militaire, devrait logiquement disqualifier la Grande-Bretagne dont l’empire s’est depuis effrité comme peau de chagrin. C’est dire que la composition du Conseil de sécurité, telle une image spectrale, s’est figée après l’entrée de la Chine. Alors même que le monde à l’entour de cette bulle évoluait à grande vitesse. Au sein de l’assemblée générale de l’Onu plusieurs pays demandent à grands cris une réforme de ce directoire anachronique et obsolète. Le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud frappent à sa porte sans que celle-ci ne s’entrouvrît. Ces dernières décennies la légitimité du Conseil de sécurité a été constamment bousculée, d’autant que le statut de ses membres est le résultat d’une cavalière auto proclamation. Pis, ces derniers poussent l’outrecuidance au point de disposer seuls du droit d’y accueillir qui ils souhaiteraient voir siéger avec eux ! Chose qu’ils ne font d’ailleurs pas, comme si le quorum des "élus" était d’ores et déjà atteint. Un cercle fermé et qui se rit de la démocratie dont plusieurs de ses membres se réclament pourtant les champions.

Aussi, le caractère "permanent" de leur statut- là aussi ces pays ont été seuls à le décider- les posent en inamovibles, sans possibilité d’alternance.
Pour tout compliquer, chacun de ces membres permanents dispose également d’un droit de véto sur les décisions des autres membres…
Rien d’étonnant alors à ce que la diplomatie qui a parfois cours au Conseil de sécurité rappelât par certains côtés le duel de "la guerre froide". Ces temps que l’on avait cru révolus, où les intérêts des uns- principalement les États-Unis et la Russie héritière "légitime" du siège de l’Union soviétique- étaient nécessairement antagonistes, voire hostiles à ceux des autres.
Un temps où tous les autres pays devaient s’aligner sur l’une ou l’autre de ces deux superpuissances. Or donc hier comme aujourd’hui, même si la France et la Chine ne se laissent pas dicter leur conduite, chacun défend une cause qui lui tient à cœur. Ou protège ses amis d’éventuelles condamnations et sanctions, au moyen de ce véto qui paralyse la "mécanique". Tout en divisant le monde. Un véto qui n’a jamais fait partie de la solution.

Chacun pour soi
Les États-Unis et la Russie (pré ou post-soviétique) sont les pays qui auront le plus usé de cette prérogative que d’aucuns, de plus en plus, jugent usurpée. Plusieurs pays jugent inique le fait que Israël n’a jamais encouru aucune sanction internationale malgré que l’État hébreu s’est souvent livré à des actions confinant aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité !
Et scandaleux le véto américain qui a toujours systématiquement soustrait l’État hébreu à une telle condamnation. Une situation qui jette sur Tel-Aviv un opprobre mondial qui s’accroit d’année en année. Raison pourquoi Washington est condamnée à toujours plus d’impartialité pour le bénéfice d’Israël, et ceci en dépit du bon sens. Un cercle vicieux qui offre l’image d’un animal se mordant la queue.
Quant aux Russes- ils sont opportunément aidés cette fois-ci par les Chinois- en opposant leur véto sur la condamnation du régime syrien par le Conseil de sécurité, ils font preuve de la même mauvaise foi que les Américains pour Israël. Or donc le Kremlin a aujourd’hui beau jeu de justifier son véto par la manière dont l’Otan traita Kadhafi sur une résolution qui ne prévoyait au demeurant que la protection des populations civiles libyennes…
La coalition occidentale, en abusant outrancièrement du mandat que lui octroyait le Conseil de sécurité en Libye, ignorait qu’elle se tirait une balle dans le pied par la même occasion.
Mais il y a plus : L’onde de choc des révolutions arabes est ressentie jusqu’à Moscou, et Beijing dans une moindre mesure. Aussi pour éviter une irrémédiable contagion sur son régime, Vladimir Poutine, qui est déjà confronté à une contestation grandissante chez lui, ne peut se permettre le risque d’une telle comparaison.
En lui demandant de condamner le régime syrien, le Conseil de sécurité lui demande, en d’autres termes, de se condamner lui-même.
À l’approche de l’élection présidentielle en Russie, Poutine se gardera bien de jeter au docteur Bashar-Al-Assad une pierre qui pourrait lui revenir en pleine face ! D’autant que la victoire annoncée du premier ministre russe au poste de président ne se fera pas sans heurts.
Le véto russe au Conseil de sécurité n’était en fait qu’un vote utile, stratégique.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

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