samedi, août 03, 2013

Printemps arabe


DEMOCRATIE SOUS SURVEILLANCE

Egyptiens et Tunisiens conspuent aujourd’hui une démocratie qu’ils se sont acquise dans le sang. Ils continuent de réécrire, par la rue encore, l’histoire là où ils l’avaient laissée deux ans plutôt. Ennahda et les Frères musulmans ont eu le tort de croire que le chapitre était clos parce qu’une page avait été tournée.                                                                                                             EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

 

Lorsqu’un régime est déchu par d’autres dispositions que celles prévues par la Loi, on est en présence d’un coup d’état. C’est ce qui vient de se passer en Egypte. Et le fait que les militaires, les auteurs de ce coup de force, se cachent derrière "la volonté populaire" n’y change rien. L’Egypte vient de tourner une autre page de son histoire ; et rien n’indique qu’un retour au statu quo ante soit possible. D’ailleurs aucun pays occidental n’a condamné le coup d’état, se bornant  tout au plus à noter le fait accompli. Au vrai Washington et ses alliés étaient inquiets de voir proliférer des régimes islamiques à quelques encablures d’Israël. Sans aller jusqu’à récuser un régime démocratiquement élu ainsi qu’ils le firent jadis pour le Hamas en Palestine, les occidentaux se félicitent secrètement de la chute du président Morsi et des Frères musulmans. Aussi ils espèrent que la même chose se produira en Tunisie. Mais dans ce dernier pays les choses risquent d’être un plus compliquées qu'en Egypte. Déjà on voit bien que malgré la gravité des faits qui sont, à tort ou à raison, imputés au gouvernement islamiste, le mouvement de protestation n’égale en rien celui des Egyptiens à l’encontre de Mohamed Morsi. Si les deux opposants assassinés en Tunisie (Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi) avaient été Egyptiens le pouvoir au Caire serait tombé bien plus vite qu’il ne l’a été. Et l’armée- les militaires égyptiens n’attendaient que cela après que Morsi les eut humiliés en chassant leur chef le maréchal Tantawy du pouvoir- ne se seraient guère embarrassés de fallacieuses justifications pour perpétrer leur coup de force.

Autre chose qui revêt son importance : en Tunisie c’est le gouvernement islamiste en son ensemble qui est mis en cause, cependant qu’en Egypte la colère des manifestants avait un visage et un nom : Mohamed Morsi. Il est plus facile de porter la faute sur un seul individu que sur tout un système…
A Tunis le pouvoir n’a d’autre choix, pour survivre, que d’accommoder les desideratas des manifestants, en évitant l’obtuse intransigeance de Morsi, laquelle lui aura coutée la présidence. Et la liberté.

 Des régimes aux abois
Bien avant la vague des régimes islamistes inaugurés par le printemps arabe, la Turquie présentait, avec l’AKP, un régime islamiste "à visage humain". Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan conduisait un gouvernement "fréquentable" selon les standards occidentaux. Cependant que ces mêmes occidentaux n’ont jamais répugné la compagnie de la monarchie saoudienne dont pourtant tous connaissent le radicalisme.

Or donc aujourd’hui ce n’est même plus la méfiance des occidentaux qui est en cause dans la crise des régimes islamiques. Ce sont leurs propres concitoyens, coreligionnaires ou non, qui désormais ont maille à partir avec les politiques doctrinaires que leur assènent leurs gouvernements. Et à ce chapitre, même le gouvernement modéré d’Erdogan n’a pas échappé aux manifestations anti-islamistes qui fleurissent dans le monde musulman.

Il est vrai que le régime iranien des mollahs avait su réprimer sauvagement, il y a peu, les velléités démocratiques de son peuple. La monarchie sunnite des Emirats arabes unis agit avec la même contre sa population chiite : une mini-révolution étouffée dans l’œuf, et dans le sang, sans que les occidentaux s’en émeuvent outre-mesure. Ces mêmes occidentaux qui montrent les dents au gouvernement turc quand sa population laïque- la laïcité en Turquie est un héritage d’Atatürk le fondateur de la Turquie moderne- lui tourne le dos après un flirt de quelques années.

Quoiqu’il en soit la Turquie n’entrera jamais dans l’Union européenne sous un gouvernement islamiste. Aussi modéré qu’il se prétendit.

 

Républiques islamistes
Il faut se l’avouer : l’Occident avait été pris au dépourvu par la rapidité avec laquelle le printemps arabe chassa du pouvoir le président Ben-Ali et le rais Moubarak. D’autant que c’était des régimes dictatoriaux bien confortablement installés depuis des lustres. Les despotes qui les dirigeaient duraient grâce à l’appui des occidentaux, en charge de revanche ils devaient réprimer toute avancée islamique dans leurs pays respectifs. Un échange de bons procédés qui faisait pourtant perdurer la tyrannie. Mais Realpolitik oblige…

C’est dire que la chute non annoncée de leurs alliés naturels dérouta les chancelleries occidentales. Sans que celles-ci ne sachent comment leur venir en aide sans avoir à sévir sur les gigantesques manifestations populaires qui déboulonnaient ces statues autrefois inamovibles. Les craintes des occidentaux se confirmèrent quand les islamistes s’emparèrent aisément du pouvoir. Ces derniers s’aidèrent du désabusement de la population face à des régimes autocratiques et corrompus. Même des musulmans modérés, ainsi que parfois des non pratiquants, agréèrent cette alternance en faisant confiance aux islamistes pour assainir la vie publique. Mais pas seulement, dans ces pays les mouvements islamistes étaient les mieux organisés au sein de l’opposition. Et aussi les mieux nantis financièrement. Les "Frères musulmans", et cette autre entité islamiste tunisienne rapidement rebaptisée Ennahda, étaient depuis longtemps déjà financés par les monarchies sunnites du golfe persique. Ceci explique cela…

Le moment de stupeur passé, les occidentaux ont patiemment attendu que les islamistes se dévoilent en démontrant qu’ils ne peuvent se distancer du coran. Et surtout que la charia, la loi islamique, guide en fin de compte toutes leurs actions. Sociales ou politiques. Un attentisme que la France a refusé d’observer en intervenant militairement au Mali afin d’y chasser les islamistes. Il faut tout de même dire que ces derniers avaient eu le front de se réclamer d’Al-Qaïda au Maghreb islamique(ACMI). Et que leur intention avouée était d’instaurer une république islamique au Mali.

Depuis, les termes "république" et "islamique" ont fini par se contredire, paraissant de plus en plus antinomiques. L’histoire récente démontre qu’on ne peut, au vrai, être républicain et islamiste. Ou vice-versa.

Aujourd’hui les régimes islamistes sont poussés dans leurs derniers retranchements par des populations harassées. Leur modèle de démocratie est scruté à la loupe, pour qu’à la moindre entorse aux libertés individuelles on les chassât du pouvoir.

EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ