lundi, janvier 08, 2007

ON A MARCHÉ SUR LA TERRE

Dans une calvacade effrénée, les foulées des nouveaux conquérants
Blessent de multiples scarifications le corps de la terre déjà éventrée
Creusant des sillons béants pour que s’y engloutissent leurs enfants
Enterrés vivants, sacrifiés, fossiles extraits en pépites et vendus à la pesée

Le ciel en a par-dessus la tête d’entendre plaider
L’ignorance de ceux qui ont marché sur la lune
Parsemant de débris le drap de sa toile d’azur, maintenant percée
Son respir étouffé, pollué, blâme le crime contre l’humanité en ruine

Ils ont marché sur la terre, dans ses profondeurs insondables, pataugeant dans ses ors blancs et noirs
Pour ériger des monarchies pétrolières, des oligarchies diamantaires et des anarchistes sanguinaires
On a marché sur la mère, fouillant ses entrailles
La main qui a possédé le corps abandonné, la main incestueuse du fils, est revenue chargée de gemmes et des maux jusqu’alors insoupçonnés, mais gangrenée d’innommables caillots, cette main profanatrice du sacré, dominatrice et arrogante, cette main signe son déni mercenaire pour l’effet de serre

La course de l’air abîmé asphyxie les hauteurs qui retiennent l’errance des corps en partance, l’organisme éthéré des substances sans frontières moque nos illusoires forteresses de brique et de broc, nous inhalons la mauvaiseté que d’autres ont voulue, et vers eux nos eaux libres charrient les yeux morts des appendices aquatiques, c’est sur la table du pauvre que s’éteint réellement les espèces menacées de disparition
Et si les ventres affamés des enfances déshéritées proclament les famines éthiopiques, les misères des tropiques, ils taisent les infections alchimiques
Mais là, sur les strapontins des conférences sur la faim dans le monde, on se confond en effusions sadiques, on ne tarit pas d’éloges sur nos donations, on se croit à l’abri, nos enfants mangent du biologique, se nourrissent des ogm, mais sédentaires, finissent obèses
Otages de l’informatique
Notre lot, c’est leur fléau

Terre battue, écrabouillée, mutilée, la mère nourricière exhale son souffle d’agonie
Sa lave brûlante lèche amoureusement les contours des forêts vierges de l’Amazonie
Son pleur jadis glaciaire fond les banquises
Si ce n’est le déluge ce sera le feu!

Dans un haut le cœur la mer vomit les marrées noires tombées des navires battant pavillon de la mort
Nous nous perpétuerons dans notre postérité mutante gavée de déchets toxiques
Après qu’il n’y aura plus un seul maïs transgénique
Nos enfants boiront de nos eaux usées, ces additifs artificiels dont nous colorions les pages immaculées des rivières
Les enfants paieront pour les fautes de leurs pères!

En ordre dispersé les sécheresses avancent sur les crinières rasées des forêts boréales
Et sur les arrhes jadis fertiles des terres ancestrales
Ici l’aride halètement de l’air surchauffé harcèle le pas des fuyards
L’engeance déportée par les variations climatiques cantonne sa déshérence dans des tranchées insalubres, aux abords des hôpitaux des villes étouffées, qui ploient sous l’affliction des bactéries alphabétiques et peu commodes
Le C difficile porte son label sépulcral sur le fronton des fosses creusées par la déraison humaine
Tandis que le HCN1 entoure de ses lettres mortuaires la couronne de la grippe aviaire
Et là, l’on applaudit ingénument la clémence hivernale qui l’emporte sur la rudesse des froidures d’antan
La baltique et l’arctique battent en retraite devant le souffle libéré du génie sulfureux de l’industrie
Ce sera le feu!

Terre brûlée par la montée en puissance des degrés Celsius et autres Fahrenheit qui graduent chaleureusement en autant de tisons échappés du ciel, et rougeoient leur incandescence sur les branches calcinées des arbres généalogiques, mais aux extrémités, là où devraient fleurir les horizons aujourd’hui enfumés de ceux qui après nous vivront mal, nos enfants

C’est à la sauvette, ni vu, ni connu que les machines de guerre civile prennent d’assaut les plages publiques pour l’érection des lieux de villégiature privés, poussant la mer dans ses derniers retranchements, annulant, rétrécissant les espaces de liberté du commun, réduisant parfois en cendres les vestiges archéologiques, falsifiant les témoignages de l’histoire
Que leur importe alors demain
Puisque nul ne sait, demain

L’humanité navigue en eaux troubles sur un océan de prétentions, théâtre d’un épique combat naval
Les capitaineries conservatrices, bible en mains, psalmodient les vertus du statu quo
Des conclusions scientifiques commandées, commanditées, achetées, assènent la légitimité du laisser faire
Des brigades enrégimentées tournent en ridicule les thèses et hypothèses alarmistes des bataillons écologiques
Ils tirent à boulets rouges sur les navires de ces empêcheurs de polluer en rond
Ils tentent encore de noyer les résolutions entêtantes de Kyoto
L’homme, épuisé, brasse la vague de sa finitude des ses bras trop faibles
Dans l’humanité naufragée
L'homme qui crie: Ohé! Du bateau!

Mais la mer se répand en de magnifiques tornades
Ici Katrina réjouit la lande et la lavande de la nouvelle Orléans
Et Kristina balaie les côtes de la Louisiane de ses hommes
La croupe de l’Alabama de ses femmes
Et les flancs du Mississipi de ses enfants
Pour leur faire place nette
Le monde découvre, médusé, des contrées sur lesquelles le soleil refuse de salir ses rayons dorés avant que, sortant de par les mers, des amours de Tsunami ne déferlent sur les villes
En hurlant
El nino!


Terre importunée, exacerbée, extenuée
Gentille mère au corps inlassablement torturé, assassinée par la cupide main des siens
Cette main crispée sur le sein de la mère et qui l’égoutte de ses dernières sèves non renouvelables
La terre tente encore de contenir, dans son ultime sacrifice maternel, avant que ne sonne le glas, les éruptions des éléments qui crient vengeance et ravagent les niches écologiques, en autant d’expéditions punitives
Pour corriger les visions obtues
Pour contrer les visées mercantiles
Pour conspuer les vices des consciences prostituées
Mais pour corroborer les vigilances qui alertent
Aux portes de nos fausses certitudes qui s’ébranlent au moindre séisme, typhons et cyclones grondent de colère, pris de folie destructrice
Le Père répondra par la bouche de ses volcans
(Extrait du recueil "Excusez l’interruption", à paraitre)