vendredi, décembre 15, 2006

LES PATRIOTES DU DIMANCHE

LA DÉMOCRATIE EN RD-CONGO VUE DE LA DIASPORA


Si "ventre affamé n’a point d’oreilles", pose le dicton, lorsqu’il est plein il parle plus qu’à suffisance, parfois inconsidérément. Mais il n’a toujours pas d’oreilles; sinon pour n’écouter que ce qui nourrit sa passion et vomit la raison. Le syndrome du ventre plein a fortement caractérisé- accablé - la diaspora congolaise tout au long du processus démocratique en Rdc, culminant dangereusement entre les deux tours de l’élection présidentielle. La confusion conceptuelle était telle- et elle peine encore à retomber – que pour le Congolais de la diaspora ne pas accorder son soutien au candidat Jean-pierre Bemba s’apparentait à une non assistance à pays en danger! Tout simplement. Et quiconque était prit à défaut se voyait bannit, exclut de la citoyenneté congolaise. Pour crime de lèse-opinion, accusé d’anti patriotisme. Car, en cette période plus que troublée, la pensée unique a souvent fait force de loi.
EMERY G. UHINDU-GINGALA


De nombreux pays sont réfractaires à la multiplicité de nationalités, n’autorisant pas que leur citoyenneté soit détenue concurremment avec une autre. Si pour certains la seule loyauté citoyenne inspire une telle exigence, d’autres le décide sans trop savoir pourquoi. Pour faire comme ailleurs…
L’actuelle constitution congolaise exclut de la nationalité congolaise tous ceux qui se sont prévalus d’une autre citoyenneté. Ce n’est cependant pas une innovation : la même disposition existait déjà dans la Loi-cadre régissant le régime de Mobutu!
Ainsi donc aujourd’hui dans la diaspora, des individus juridiquement étrangers à la Rdc s’arrogent le droit d’en exclure d’autres! Pour non conformité à leurs vues. Pour délit d’opinion…Des actes de violence, verbale et même physique dans quelques cas, ont été commis ci et là au nom d’un patriotisme du dimanche ayant atteint au paroxysme de l’intolérance. Dans lequel la "congolité" se substitue confusément au nationalisme. Cependant que sur le terrain, en Rdc même, les protagonistes observent une attitude autrement plus civile, civique.
Mais pour que la démarche militante de ces "exilés"- volontaires pour la plupart - eut quelque fondement…logique, ne fut-ce qu’en apparence, il eut fallut que celui qui cristallise ainsi leur passion incarnat lui-même le patriotisme. Avec toutes les valeurs positives que convoque ce terme : amour de son pays et des ses habitants, offrande de soi pour l’intégrité du premier et le mieux-être des seconds…Des valeurs hautement morales qui portent celui qui les cultive scrupuleusement à l’élévation. Et exigent qu’il se distancie de l’intérêt personnel pour sacrifier à celui de la communauté, la patrie!
Or rien, mais strictement rien, dans la personnalité sujette à caution de Jean-pierre Bemba, ni dans son parcours dantesque, ne prêtent à une telle hauteur. Surtout lorsqu’on sait que l’homme s’est commit, dans sa lutte pour le pouvoir, dans des massacres des populations…congolaises, les siens! Des atrocités pour lesquelles le Tribunal Pénal International (TPI) souhaiterait ardemment l’entendre. Son acharnement à vouloir occuper le fauteuil présidentiel- à tout prix –n’est sûrement pas étranger à la requête du TPI.

Retour sur images
Quoiqu’on lui reprochât post-mortem, Patrice-Émery Lumumba demeure encore à ce jour, de tous les leaders politiques dans l’histoire de la Rdc, le héraut du patriotisme. Il doit d’ailleurs à cela d’avoir été assassiné! Mais son vécu politique, pour éphémère qu’il a été, constitue incontestablement l’aune à laquelle doit se mesurer toute prétention au patriotisme. Et l’amateurisme stratégique de Lumumba, loin que de l’amoindrir, rehausse, exalte la probité et la grandeur d’âme de l’homme. Aux antipodes de la Rdc, les Hugo Chavez, Evo Morales, Lulla et autres patriotes de ce monde s’en inspirent largement. Nul n’est prophète en son pays…
Mobutu le fut pourtant. Lui qui proclama la rupture d’avec l’ordre existant- "le père de la révolution"- se livra sans vergogne au pillage des ressources naturelles de son pays. Pour son propre compte et celui des siens. Abandonnant à son propre sort une population exsangue, et un pays dont l’état de délabrement tranchait exagérément avec les "éléphants blancs" érigés à la gloire de son chef. Et c’est d’un si triste sire que s’inspire ostensiblement Jean-pierre Bemba…

Et que dire de l’autre guru, Honoré Ngbanda, éminence grise du maréchal déchu qui, après un expéditif repentir- dont on est en droit de douter de la sincérité– préface dès son douillet exil bruxellois les prémices du patriotisme nouvelle formule. Une théorisation galvaudée, empruntée à la diplomatie de l’ombre, et qui fait dangereusement école auprès des néophytes. Dans son village gaulois, l’affable druide de l’Apareco apprête une potion de son cru, destinée à mettre le feu sur la Rdc. Dans la diaspora on s’est servi à grosses cuillères de cette concoction de la zizanie. Quant à H. Ngbanda, il n’y peut rien, "il est tombé dedans étant petit", il n’a fait que cela toute sa vie, les services de l’ombre, les messes basses, le feu, la zizanie…

Personne, plus que Étienne Tshisekedi, ne s’est drapé du voile du nationalisme- quelquefois celui de l’obscurantisme- pour justifier ses actions et ses omissions. Ainsi, au plus fort des années de guerre en Rdc, ne demandait-il pas un embargo sur son pays, en manière de coup de grâce sur une population à l’agonie. Il s’en fut après pactiser avec le "diable", Paul Kagamé, pour un bénéfice sur lequel on s’interroge encore aujourd’hui.
Plus récemment : Étienne Tshisekedi n’a jamais consentit à octroyer son appui- pourtant attendu- à J.P Bemba, lequel eut pu changer la donne au second tour de l’élection présidentielle. Pire, il a exclu des rangs de son parti ceux de ses membres, dix-huit au total, qui ont publiquement appelés à voter pour Bemba! Sans que le leader de l’Udps n’encourre l’ire de la diaspora. Il ne viendrait à personne l’idée de le traiter de non patriote, de lui soustraire la citoyenneté congolaise. Bizarrement, ses actions ne sont tout simplement pas interrogées alors même qu’elles comptent. Contrairement à celles de tous les membres de la diaspora réunis. Une absolution totale, pour tout, qui dévoile plus qu’il n’est nécessaire l’aveuglement et la partisannerie lors elles en viennent à l’exacerbation, un double standards qui laisse songeur sur l’honnêteté de ceux qui pourfendent avec virulence les positions sans conséquences des uns, cependant qu’ils ignorent- c’est voulu, on ne peut qu’en convenir- les contradictions des autres, les leaders d’opinion!
Triste constat qui n’augure guère des lendemains enchanteurs dans le Congo- démocratique- de demain.

Démocratie et culture démocratique
La monomanie des grandeurs caractérise- et affecte- généralement ceux des Congolais qui ont su et pu s’émanciper des affres du pays par l’exil. Si ce complexe en est presque venu à s’ériger en mégalomanie c’est parce qu’il trouve en amont un terreau favorable à sa culture. Ainsi "le moindre" dans la diaspora bluffe et snobe le plus savant des ceux restés au pays. "L’occidentalisé" sait, puisqu’il dit voir et entendre ce que l’autre se doit d’ignorer : une fois en occident on comprend tout, l’environnement rehausse l’intelligibilité, sinon que l’intelligence. C’est peut-être le fait de la proximité du Blanc… Forts de ce nouveau savoir acquis sur le tas, quasi spontanément, instruits sur le Web, ces autodidactes pétris désormais d’un sur talent se fendent en analyses politiques à l’emporte-pièce- tous en ont derechef les compétences- banalisant, insultant la science politique pour la maîtrise de laquelle d’ardues études sont pourtant requises. Mais c’est là une exigence qui, d’évidence, ne concerne pas tout le monde. Les Congolais apprennent vite, c’est connu, où qu’ils soient. De quelque nationalité qu’ils soient. Et ils s’adaptent avec une effarante virtuosité aux situations les plus complexes. Sauf aux plus simples d’entre elles. Ainsi, s’ils ont aisément démonté les arcanes de la démocratie, ils peinent cependant- du moins dans la diaspora- à s’en approprier l’esprit, la culture. Et ce, dans ses principes les plus fondamentaux universellement reconnus, la liberté d’opinion et d’expression.
Il n’est point de démocratie sans cela. Le pluralisme participe de la liberté de choix face à diverses options. Lesquelles sont incarnées par des individus. Élections, vote, multipartisme…ne sont qu’autant des conséquences de la liberté d’expression, des attributs, des outils du droit de dire. Mais librement. Lequel est quasiment un droit d’être. Mais souverainement. Pour autant ils ne sauraient trouver leur réalité, mais la vraie, qu’en sacrifiant à la contradiction, l’opposition, la différence. A l’inverse c’est le champ libre à la confiscation de la parole, l’orientation des idées- en autant que l’invective et l’anathème ne puissent jamais se réclamer de l’idée- la dictature des esprits, la pensée unique. Cette dernière s’inscrit dans un procès d’arrogance, d’intolérance, de violence. Pour ne trouver son exutoire que dans l’attentat à l’intégrité physique. Immanquablement!
La diaspora congolaise pratique la politique en troupeau, en réseau puisqu’il y a Internet, broutant la même herbe dans le même pré, et c’est le ventre plein qu’on appelle au sacrifice des autres- ceux restés au pays- une fois par semaine, ainsi que pour l’appel au culte. Le dimanche!
EMERY G. UHINDU-GINGALA