LULA
Manifestement le prix Nobel du développement reste encore à inventer. Une reconnaissance qui serait certainement peu rétribuée car seule une poignée de dirigeants pourraient s’en prévaloir. Luiz Inácio "Lula" da Silva est le seul leader politique de ce début du second millénaire qui mériterait réellement d’en être un lauréat incontesté. Peu d’acteurs politiques de ce siècle, et même du siècle dernier, n’auront à ce point marqué l’Histoire ; tant dans leurs pays respectifs que sur la scène internationale. Devenu président du Brésil en promettant de s’attaquer à la pauvreté et au développement de son pays, alors même qu’il n’a jamais fréquenté l’université, Lula pourrait assurément faire la leçon à de nombreux récipiendaires du Nobel d’économie. Nul au Brésil ne savait où les velléités de changement du nouveau président conduirait le pays. Or donc Lula, armé de sa seule passion pour son pays et conscient qu’il n’avait pas droit à l’erreur, était loin du dilettante que tous croyaient voir en lui. Issu lui-même d’une frange de la population la plus déshéritée, il s’était fixé comme but la rupture radicale d’avec le passé. Son passé, mais aussi celui du Brésil. Il lui fallait un "avant et un après Lula" ! Ce syndicaliste-métallurgiste (tel jadis le Polonais Lech Valesa) a confondu depuis plus d’un sceptique, surtout les riches de son pays. Depuis tous savent désormais ce que changement veut dire. Non point continuité, mais changement, en ce qu’il débute par une rupture radicale d’avec le statu quo ante pour aboutir au renouveau. Une révolution, en somme. Il n’est que la Chine, sous la férule de Deng Xiaoping, pour revendiquer telle transformation dans le fond. Mais Deng, "Le petit père du peuple" était un dictateur agissant d’autorité pour corriger les dérives totalitaires et meurtrières qu’avait induites "la Révolution culturelle" de Mao Zedong. En d’autres termes Deng Xiaoping n’avait en face de lui nulle opposition, aucun mécanisme de contre-pouvoir. Seul maitre à bord, son ouverture à marche forcée vers l’économie de marché a permis à la Chine d’amorcer le bond de géant que l’on sait. Sans que le niveau de vie des Chinois les plus pauvres en soit réellement relevé ! Le fossé entre riches et pauvres, caractéristique du libéralisme économique, n’a depuis cessé de se creuser. La Chine est riche, certes, mais pas les Chinois…
A contrario Lula, dans un système démocratique où son élection était entourée de suspicion par la droite jusque là toute puissante, peut se targuer de n’être parvenu au pouvoir que par le vote massif des plus pauvres. Or donc même les riches louent aujourd’hui son action. Pour la seule raison qu’ils sont plus riches qu’ils ne l’étaient avant lui ; et que les politiques "socialistes" du président n’ont jamais été faites pour les inquiéter. D’avoir permis à 20% des pauvres d’accéder au pouvoir d’achat est plutôt bon pour le dynamisme de l’économie, donc pour les affaires. Avec "la bourse de Lula", un viatique oscillant entre 50 et 100 dollars mensuels, le président fait d’une pierre deux coups : les laissés pour compte de jadis disposent désormais d’un revenu fixe. A la condition de scolariser leurs enfants… Ayant été lui-même peu initié à l’érudition, sans aucun diplôme universitaire, l’ancien cireur de chaussures analphabète jusqu’à l’âge de dix ans entre aujourd’hui dans la légende de son vivant ainsi qu’avant lui seul Nelson Mandela.
A la fin de son second et dernier mandat, le bilan de Lula est si impressionnant que Barack Obama lui-même, populaire parmi les populaires, n’hésite pas de dire de son homologue qu’il [Lula] est l’homme le plus populaire de la terre…
Avec Luiz Inácio Lula da Silva, le Brésil, qui n’était connu que pour et par le soccer avec le magistral Pelé, est à ce jour reconnu comme une grande puissance économique et…politique mondiale. Placé au huitième rang, il sera bientôt la cinquième puissance économique mondiale juste après la France ! Auparavant Lula avait déjà propulsé Brasilia au devant de la scène internationale par une action d’éclat, presque un crime de lèse-majesté : A Santiago du Chili, lors du 12è sommet des pays de l’Asie-Pacifique, il contrecarre les prétentions de Georges Bush de contrôler la zone économico-politique de l’APEC. Pour privilégier à la place le libre-échange du Marché commun du Sud (Mercosur) (1). Lula fomente alors une vraie cabale pour isoler le président des États-Unis qu’il n’a pas en odeur de sainteté. Et histoire de ne pas s’arrêter à si bon chemin, il propose et obtient que les prérogatives d’un G8 tout puissant soient transférées à un G20 élargi aux "grandes puissances émergentes". Dans la foulée et aux côtés d’un autre "grand en devenir", la Turquie, le Brésil fait accepter à Téhéran de faire enrichir son uranium à Brasilia et Ankara. Pour sauver la face de l’irascible Mahmoud Ahmadinejad et ainsi débloquer l’impasse dans laquelle s’enlisait le dossier de l’uranium iranien. Une avancée que toute la communauté internationale aura échouée à obtenir. Les États-Unis, pour faire plaisir à Israël, rejetteront hélas cet accord.
A son avènement Lula décréta, on l’oublie souvent, la cessation des paiements de la dette de son pays au Fonds monétaire International (FMI). Mais le président a tenu à ce que nul n’ignora que le Brésil vient de prêter 10 milliards de dollars au Fmi- et donc à la communauté internationale- par l’achat des bons obligataires. Le temps aura seulement manqué à Lula dans son ambition de faire obtenir à son pays un siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu. Mais la table est mise, et il appartient désormais à son successeur, Dilma Rousseff, propulsée dans son élan par la haute stature de Lula, de parvenir à y faire s’asseoir les "grands" afin de transiger d’égal à égal.
Luiz Inácio "Lula" da Silva peut désormais déjà entrer au panthéon des plus illustres dirigeants de la terre. Mais de son vivant comme Mandela et Obama.
Alors Lula Santo subito ?
EMERY G. UHINDU-GINGALA
(1) Source Wikipédia. Le Marché commun du Sud - Mercosur pour les hispanophones, Mercosul pour les lusophones- constitue le quatrième espace commercial du monde (derrière l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie du Sud Est) et représente un marché potentiel de quelques 200 millions de consommateurs. Il a été institué le 26 mars 1991 par le traité d’Asuncion entre le Brésil, l’Argentine (tous deux déjà liés depuis 1985), le Paraguay et l’Uruguay. Ses objectifs : la libre circulation des biens, des services et des facteurs de production, l’établissement d’un tarif extérieur commun, la coordination des politiques macroéconomiques et sectorielles et l’harmonisation des législations des Etats membres.
Le libre commerce est institué sur 85% des 9 000 produits entrant dans les termes de l’accord, 15% - biens d’équipement, chimie, informatique - faisant l’objet d’un régime transitoire jusqu’à 2006 à la demande du Brésil, qui souhaite préparer les secteurs en question à la libre-concurrence. Depuis, la zone suscite l’intérêt : le Chili et la Bolivie ont signé un accord de libre-échange avec le Mercosur en juillet 1996, le Venezuela et la Colombie se sont portés candidats à l’adhésion et le Pérou s’est également manifesté...
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