samedi, novembre 07, 2009

AUX NOMS DE QUOI?

Ceci est vrai pour les processus du raisonnement logique : Le nom n’est pas la chose nommée.
Il n’est rien dans le nom "père" qui évoquât la paternité. Si le chat est bien un chat, il aurait tout aussi bien pu s’appeler "tahc"- l’inverse- sans que cela n’affectât le moins du monde ses capacités à courir après les souris. Et qu’y a-t-il de présidentiable dans le "président" ?
Hormis pour les pères, les chats et les présidents, l’humain attache bien une connotation, une qualification, aux noms génériques dont il affuble les hommes, les choses et les entités ; même seulement idéelles.
Surtout quand cet homme est politique ; et qu’il parle des choses qui ne le sont pas moins.
Dans la même…logique- politique- d’aucuns parlent au nom des autres. Et des autres. Pour n’en jamais dire du bien. Or donc dire du mal des autres, c’est dire du bien de soi. C’est en tout cas suggérer qu’on est meilleur que celui dont on parle. C’est, indirectement, s’arroger le beau rôle.
D’où les catégorisations : elles définissent et identifient. C’est d’ailleurs cela leur objet. Elles campent et coulent les statuts. Rarement- pour ne pas dire jamais- ceux qu’ainsi elles désignent péremptoirement ne remettent en question ce que l’on dit d’eux. Pas plus qu’ils n’interrogent l’intention et la légitimité de qui dit. Acceptation de facto qui trahit une certaine lassitude intellectuelle. Ou simple démission face au fait accomplit. "Qui ne dit mot consent, pose-t-on, celui qui parle a raison". De le faire!

Qui jamais se demande vraiment ce qu’est un gouvernement ? Un Conseil ou un Corps de ministres, un Cabinet ?
Les deux termes, gouvernement et ministre, se convoquent l’un et l’autre. Partout au monde.
Sauf aux États-Unis où l’on ne trouve aucun ministre dans le gouvernement ; mais seulement des secrétaires d’État ! A l’instar de la Lybie, et c’est bien là le plus curieux, même si à un mot près: Son Comité Populaire Général, le Gouvernement, n’est composé que des…secrétaires !
Pour l’ensemble, mis à part quelqu’éphémérides dévolues aux Ubu-rois de ce monde, il n’est que le Vatican pour faire dans le flou artistique dont il est féru. Ainsi donc les ministres de sa sainteté papale sont vaille que vaille désignés secrétaires, préfets et autres assesseurs qui, ailleurs, se glorifieraient de se voir élever à une telle dignité. De là à se sanctifier il n’y a qu’un petit pas que jadis les Commissaires d’État, ministres de l’ex-Zaïre, avait inconsidérément franchi. Tant ils déifièrent leur seul commettant, " le Président-fondateur" ; lui-même déjà "Père de la Nation" !

Pouvoir exécutif suprême ou régime parlementaire, le gouvernement est le lieu du pouvoir politique ; et désigne l’ensemble de ceux qui le détiennent. Sauf pour les Ubu-rois qui sont, fort heureusement, de plus en plus rares en ce monde.
On ne peut que s’étonner- mais les bizarreries sont l’apanage du monde politique- que régime, souvent préfixe de parlementaire (régime parlementaire) désignât également un gouvernement totalitaire, absolu…
Cette forme de gouvernement est d’ordinaire imputée à l’Afrique. Et à la Corée du Nord : le régime de Pyongyang défraie souvent la chronique. Quelque fois aussi celui de la Havane. Mais le gouvernement de Beijing n’en fait probablement pas assez pour mériter l’odieuse épithète de régime !
On croyait tout savoir de la Junte, qu’elle brouillait du martèlement des bottes, et que le terme ne s’accolait qu’à un gouvernement militaire. Or donc Le Robert la définit comme un Conseil, assemblée administrative, politique en Espagne, au Portugal ou en Amérique latine. Et d’ajouter en substance, junte militaire. Suggérant que la junte n’est pas nécessairement militaire. La définition, on le voit, peut convenir à bien d’institutions tout ce qu’il y a de plus démocratique ! Hormis les territoires auxquels on le doit (Espagne, Portugal et Amérique latine), la junte, en tant qu’assemblée administrative, fait dans la chose publique. Qui l’eut cru ?
Ainsi donc puisque le gouvernement des États-Unis est une administration, il pourrait tout aussi bien être synonyme de junte ! Tout autant que toutes les assemblées administratives ; or donc qu’elles fussent démocratiques ou non ne pose, à ce stade, aucun problème. Nulle part il en est fait mention. La démocratie n’est guère ici est une exigence, une condition sine qua none.
Voici désormais les gouvernements militaires en une avantageuse parenté.

Le gouvernement palestinien, cette étrange construction, est appelée Autorité. Le spécimen est unique en soi, vraisemblablement fait sur mesure car il n’a pas son pareil à travers le monde. C’est ce qui arrive lorsqu’on laisse les autres parler pour, ou contre, soi. Le Robert- ce dictionnaire ne cesse de dérouter- prête à "Autorité" une supériorité de mérite ou de séduction qui impose l’obéissance sans contrainte, le respect, la confiance. Le Fatah ? Le Hamas ? Mais encore : Les organes du pouvoir. Mais alors pourquoi pas "gouvernement" tout simplement ? D’autant que les représentants de cette entité gouvernementale (Cisjordanie et Bande de Gaza) constituent une assemblée élue au suffrage universel, avec une police (et pas d’armée), et des représentants dans plusieurs pays. Pourquoi cette caractérisation ? La souveraineté ? Il existe des gouvernements en exil, des gouvernements-fantômes. Même le Sahara occidental marocain- représenté par le Front Polisario- se prévaut d’un gouvernement. Et le gouvernement de l’Irlande du nord, qui ne dispose également que d’une certaine autonomie, n’est guère considéré comme une autorité…
S’agitait-il alors d’un statut transitoire ? Pourquoi alors ces pays des Balkans Occidentaux que sont la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et le Kosovo étaient-ils dotés, dans leur cheminement vers la souveraineté, des gouvernements ?
Aucune autre entité politique, dans son progrès vers la paix avec- ou sans- l’occupant, n’a jamais vu son gouvernement être "traité" d’Autorité. Car le terme n’est pas dénué de connotation, loin s’en faut.
Autorité, toujours Le Robert, convoque tout ce qu’il y a d’autoritarisme : Droit de commander, pouvoir (reconnu ou non) d’imposer l’obéissance. Et tout ce qui est fait d’autorité l’est "sans tolérer de discussion ; sans consulter personne…"
Le défunt, et premier président de l’Autorité Nationale palestinienne, Yasser Arafat, prit tout cela au mot. Puisqu’il crut aux mots de Bill Clinton. Car c’est bien au président américain qu’on doit cette étrange fantaisie linguistique après la conclusion des "Accords d’Oslo" de 1993. Par lesquels l’homme se surprit à vouloir entre dans l’Histoire.
Cette terminologie, Autorité, n’est donc que le fruit d’une dévorante ambition personnelle. Elle n’existait point avant lesdits accords, et l’on peut gager qu’aucun gouvernement, à l’avenir, ne se laissera prendre en photo vêtu d’un tel affublement.
Ou même de celui, moins étriqué, de Directoire, l’autre nom de gouvernement…de l’Autorité Nationale Palestienienne.
EMERY G. UHINDU-GINGALA