samedi, juin 06, 2009

Sénégal
WADE RETRO…

« Arrière Wade! Que quelqu’un l’arrête avant qu’il ne soit trop tard… ». C’est désormais de cette manière qu’à Dakar, et en wolof, on s’exorcise. Tant le président Wade semble avoir vendu son âme à quelque marabout malintentionné.
A défaut de pouvoir s’en débarrasser, bien de Sénégalais seraient aujourd’hui tenté, si par cette formule ils s’assuraient l’efficacité, d’ainsi houspiller Abdoulaye Wade.
Dans un pays où l’on a la spiritualité à fleur de peau- 95% de la population sénégalaise est musulmane- les retorses manœuvres politiciennes du président Wade confinent, pour certains, au diabolique. Et ne cessent d’agacer l’homme, musulman, de la rue.
Après le premier mandat d’Abdoulaye Wade, les élections générales sénégalaises n’ont plus eu de transparent que ce qu’en voit Wade lui-même. Et depuis peu - à moins que ce ne fût ourdi de longue date- il voit son pays comme un royaume. L’alternance du pouvoir, c’est la transmission de celui-ci de père en fils.
EMERY G. UHINDU-GINGALA

Qui l’eut cru? En moins d’une décennie le Sénégal a lamentablement chu de son statut de démocratie. Et ce, par la volonté, ou la rouerie, d’un seul homme. Vidé de son contenu, le slogan "Sopi", changement en wolof, qui emballa jadis l’engouement de la population, est désormais ce qu’il n’a en fait jamais cessé d’être : un simple slogan!
Depuis lors, le quadragénaire président sénégalais - quatre-vingt trois ans avoués…- multiple les machinations pour demeurer à son poste. Com me pour se payer de sa jadis trop longue relégation dans l’opposition. Salissant et réhabilitant la réputation de qui il veut. Et surtout quand il veut. C’est-à-dire au gré de ses calculs politiciens.
Or donc, et même s’il s’en faut désormais de peu, le Sénégal n’est pas encore devenu la plus vulgaire des républiques bananières. Wade donne maintenant l’impression de qui ne sacrifie à l’exercice démocratique qu’afin de sauver les apparences. Mais en politique les apparences valent, hélas, les faits…
Qu’importe donc si le taux de participation à la présidentielle est le plus bas que n’a jamais connu le pays; ou même si la coalition des partis d’opposition boycottent le scrutin. Il s’agit d’aller aux élections et de s’y faire élire. Par tous les moyens.
C’est désormais l’une des formules gagnantes pour les présidents sortants africains; l’autre modus operandi consistant à farfouiller dans la Constitution pour s’assurer des mandats multiples. Rien, à ce stade, n’indique qu’Abdoulaye n’y cédera pas. Sinon peut-être qu’handicapé par un âge trop avancé. Mais le retors président sénégalais a déjà prévu la parade pour assurer la pérennité de son nom et ainsi, pense-il peut-être, demeurer vivant dans le souvenir de ses concitoyens. Même si l’image, au fil du temps, s’est transformé jusqu’ à atteindre au hideux. L’important étant de durer. Mort ou vivant!
D’où la désormais transmission dynastique du pouvoir…

Les noms des pères aux fils
Il faut dire qu’en ce domaine Abdoulaye Wade n’a rien inventé; loin s’en faut. Alors qu’ailleurs, en Asie du sud-ouest par exemple (Inde, Pakistan et Sri-Lanka), les grandes familles politiques se passent le témoin de la manière la plus démocratique qui soit, les présidents africains ont en horreur de s’embarrasser des scrupules. Ainsi en ce seul début du XXIe siècle on a vu Joseph Kabila (RDC) hériter d’un pouvoir qui ne lui était manifestement pas destiné. Tant Laurent-Désiré, le père, pensait faire des vieux os à un poste qu’il n’occupait que depuis quelques années.
Faure Gnassingbé, fils d’Eyadema, avait lui été préparé pour occuper la fonction présidentielle advenant la vacance de cette dernière. Le général-dictateur, se sachant malade, avait savamment organisé sa succession. Précaution qui n’a cependant pas empêché sa mâle progéniture de s’affronter en une lutte fratricide.
Le Gabonais Omar Bongo Ondimba, le plus ancien des chefs d’états africains en exercice, déjà passablement usé par un trop long usage du pouvoir-Eh oui, Cela se peut même en Afrique!- et visiblement affecté par le récent décès de son épouse le Dr Édith-Lucie Bongo, envisagerait très sérieusement, si l’on en croit une persistante rumeur de palais, de prendre enfin sa retraite. D’aucuns à Libreville, et même ailleurs, la croit imméritée. Qu’importe, Ali Bongo le fils du patriarche est de plus en plus pressenti pour succéder à son père.
Contre toute attente, de tous les "fils à papa" africains, Seif el-Islam Kadhafi est probablement celui qui a le plus fait ses marques vers le pouvoir. Il a à son crédit la résolution de plusieurs dossiers épineux- de Lockerbie à l’arme nucléaire, en passant par le soutien de Tripoli au terrorisme- qui avaient mis la Lybie au banc de la communauté internationale. C’est grâce à Seif el-Islam donc que Tripoli a pu se racheter une nouvelle virginité internationale; et son Leader redevenir fréquentable. Tous ces "hauts-faits" confèrent au fils du fantasque colonel une réelle stature d’homme d’état dont nul ne saurait lui contester. Il n’a tout simplement pas son pareil dans une en Afrique où les enfants-rois sont commis d’office dauphins ou régents. Seif el-Islam est le seul qui a œuvré pour le devenir. Il a gagné…ses lettres de noblesse, s’il l’on peut dire.
Et que dire du rejeton de l’impavide dictateur égyptien? Rien!
Personne ne sait ce que fait ou ne fait pas le fils d’Hosni Moubarak. Gageons que les historiens du régime doivent furieusement s’activer afin de lui trouver de quoi illustrer avantageusement son terne parcours. En attendant, l’héritier du Raïs figure déjà en tête de liste des prétendants au trône. Au vrai il y est seul. Puisqu’il ne lui suffit d’autre mérite que celui d’être le fils de son père. Or donc Hosni Moubarak a depuis longtemps déjà- depuis le début de son long règne- pris toutes sortes des libertés d’avec la démocratie. Même si, pour des raisons stratégiques- le conflit israélo-palestinien est passé par là- tous lui déroulent le tapis rouge chez eux. Et se bousculent à sa porte.
Le lien entre toutes ces "républiques dynastiques"? Aucune d’elles ne peut sérieusement prétendre au statut de pays démocratique. A contrario le Sénégal est considéré de par le monde comme un terreau de la bonne gouvernance en Afrique francophone. Pour rien? C’est cette stature érigée par son prédécesseur, Abdou Diouf, que met aujourd’hui inconsidérément à mal Abdoulaye Wade. Pourquoi? Se survivre comme les autres? La fin justifie-t-elle également les moyens en wolof?

Quid de l’héritier, Karim Meïssa Wade?
Le quarantenaire fils du président sénégalais n’a jusqu’alors fait ses armes d’homme publique que comme président de l’Agence pour l’Organisation de la conférence Islamique(Anoci). Mais que peut-on honnêtement accomplir de notable à la tête de cette organisation? Peut-on en déduire quelque avancée- au demeurant absolument invisible à l’œil nu- pour le monde musulman? Or donc c’est dans cet espace que les populations subissent le plus de brimades; les femmes en particulier.
Le "chacun pour soi" y est désormais érigé en règle de conduite face à l’ennemi- jadis commun- qu’est Israël. Les Palestiniens en gardent encore un gout amer après la dernière et meurtrière offensive de Tsahal sur les populations civiles de Gaza. Aucune indignation n’est jamais venue du côté des leaders musulmans. Hormis l’Iranien Amadinejab dont l’admonestation, à tort ou à raison, est une manière d’exister. Pour les autres, aucune sortie intempestive égale au crime. Sinon que celle de la rue. Rien pour inquiéter Tel-Aviv. Quant à l’Organisation de la Conférence islamique(Oci), elle s’est tout simplement inscrite aux abonnés absents. Or donc l’odieux de la situation n’a, bizarrement, fâché que des présidents latino-américains. Le Bolivien Evo Morales et le Vénézuélien Hugo Chavez ont, l’un à la suite de l’autre, rompu les relations diplomatiques de leurs pays respectifs avec Israël!
Karim Wade dirigeait alors, et même encore aujourd’hui, l’Anoci…
A défaut du militantisme politique dont est en droit d’attendre de cette organisation, le fils du président sénégalais s’est illustré dans l’organisation des grands chantiers de l’Anoci à Dakar. Or donc la partition politique se joue sur un registre une gamme au dessus de la douce musique à laquelle était jusqu’ici habitué Karim. Les Sénégalais, surtout les Dakarois, ont tôt fait de lui rappeler- et surtout à son amnésique de père- que le Sénégal n’est pas un pays africain comme un autre. Ils ont servi au fils d’Abdoulaye Wade un cinglant échec dans sa prétention de briguer la mairie de Dakar, la capitale. Karin n’a donc su se jucher sur ce tremplin censé le propulser dans la cour des grands. Qu’à cela ne tienne, il y a accédé par un chemin de traverse. Car son père, comme pour le récompenser du désaveu des Dakarois, l’a nommé ministre d’État en charge de la Coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures ! Il va sans dire que "croulant" sous une telle charge le nouveau super ministre devra nécessairement empiéter sur les domaines de prédilection de ses collègues. Parce qu’à lui seul son excellence Karim Wade représente à peu près le tiers du gouvernement de son père ! Il existe des moyens moins sujets à conséquences pour consoler un fils chagriné. Or donc pour le président- le maitre du jeu- il s’est agit là de pousser son rejeton une case plus près de la présidence dont il ne fait- presque- plus mystère de vouloir lui léguer. En- bon?- juriste Wade sait bien qu’en toute chose la "lettre" de la Loi est respectée. Même si l’esprit en est joyeusement perverti. Qu’importe, les apparences sont sauves. C’est tout ce qui in fine compte.
Mais cette énième contorsion politique ne passe pas. Les Sénégalais en ont plus qu’assez de se faire berner par les roublardises de leur président. Cette fois-ci la coupe a été bue jusqu’à la lie ; le lien de confiance semble irrémédiablement brisé. On l’accuse maintenant ouvertement de népotisme. Les prochaines élections générales s’annoncent, au mieux, une joyeuse foire d’empoigne ; au pire un éhonté plébiscite- un autre !- faute d’adversaires. Tant l’opposition (regroupée au sein de la plate-forme le "Front Siggil") est fermement décidée à contrarier les prétentions dynastiques d’Abdoulaye Wade.
Karim, lui, semble observer scrupuleusement ce que dit papa.
Il faudra bien que les Sénégalais sachent ce qu’il pense. De lui-même.
S’il veut réellement devenir président. Ou non !
EMERY G. UHINDU-GINGALA