mercredi, juillet 04, 2007

DEMOCRATIE, MODE D'EMPLOI

Les nouveaux fronts du refus.
Les oppositions africaines se réaniment. Et se raffermissent. Presque partout sur le continent les opposants ont repris du poil de la bête et reviennent réellement aux affaires après des parenthèses parfois longues de plusieurs décennies. L’opposition reprend vie, donne de la voix, tape du poing, elle s’insurge, manifeste, boycotte, elle ne fait que son travail, même si souvent par des procédés ankylosés. Mais c’est parce qu’elle sort d’une longue léthargie forcée; et ne sait plus comment-ni quoi- faire. Parce qu’elle est trop longtemps demeurée campée dans des rôles de composition, ou pire, reléguée dans les oubliettes de la vie politique, sinon que dans celles des geôles mal famées des agences de Sécurité nationale.
EMERY G. UHINDU-GINGALA




De l’autre côté du pouvoir on cultive désormais l’art de dire non. Mais à tout…ce que dit le gouvernement. Tout ce que celui-ci fait, qu’il souhaiterait faire, qu’il pense seulement faire, tous ses projets, mais tout…ou rien de ce qui émane du pouvoir démocratiquement élu n’est agrée par la nouvelle opposition africaine. Lequel est souvent un agrégat de partis politiques aux obédiences diverses-et même souvent divergentes- mais néanmoins constitués en front du refus.
La "nouvelle" tradition dès laquelle l’opposition déploie sa politique est pourtant simple (il n’y a que le gouvernement pour peiner à la saisir). Le gouvernement, justement, et même disposant de la majorité parlementaire, ne doit pas gouverner…sans l’aval de l’opposition. Il en est sommé. C’est que les opposants ont, eux, bien comprit leur rôle. Ils détiendraient ex nihilo une sorte de droit de véto inaliénable sur les actions du pouvoir exécutif. Un droit non codifié, officieux, un droit empirique, traditionnel, acquit de fait, à même les faits, quelquefois dans les méfaits du bien public pour la sauvegarde duquel ils disent pourtant attacher leurs actions politiques.
Le mandat législatif de l’opposition trouve sa légitimité dans la rue, interposée, interpellée, la rue invitée à l’exercice du pouvoir parlementaire!
Cependant que dans les faits : Assis dans les bancs de l’accusateur, au parlement, les opposants réfutent les suggestions, « on n’est pas là pour la participation », ils rejettent toutes les propositions, par objection de conscience. Ils s’opposent!

La maxime des perdants : Élections truquées!
C’est à qui saura s’indigner le plus véhémentement. Se démarquer des autres en criant le plus fort en direction du pouvoir. Se poser en "incontournable" pour une éventuelle reconnaissance; quitte à trahir, à intriguer, car au fond c’est chacun pour soi…le pouvoir pour tous!
Mais à priori, par anticipation, avant même que les résultats des élections-présidentielle et législative- ne soient proclamés, avant que lesdites élections ne soient tenues, avant tout scrutin, il convient d’en rejeter d’avance les conclusions!
Un opposant digne de cette qualité doit savoir lire dans les pensées; et déceler toute velléité de "trucage" dans les intentions de l’adversaire. En l’occurrence le président sortant, éminemment suspect dans sa volonté de se succéder à lui-même. D’autant qu’il dispose avantageusement d’une structure rodée, l’appareil étatique, mais surtout du nerf de la guerre, l’argent des contribuables. C’est dire que la machine à broyer, la machine à gagner, la seule qui fut efficacement organisée pour la victoire est déjà au service du pouvoir. Le président a ainsi beau jeu d’être réputé "sortant"; assuré qu’il est de pouvoir aussitôt rentrer. Aisément.
Ceci expliquant cela, dans l’opposition on prend des précautions pour ne pas vraiment perdre. Parce qu’on ne peut réellement gagner.
Car à cette joute de cape et d’épée les coups de fleuret volent bas. Et ils sont tous permis. Ceux qui n’ont rien à perdre jouent le peu qu’ils peuvent en espérant gagner gros. On mise son nom, encore inconnu, pour qu’à la faveur de la bousculade, dans le tintamarre, au sortir de l’échauffourée, on parvienne à s’assurer une opportune notoriété. Qui sait. Le peuple s’en souviendra peut-être, lui, lors des prochaines consultations. Dans cinq ans…
Si dans l’intervalle aucun conflit armé ne vient indûment prolonger ad vitae aeternam le suffrage populaire somme toute limité dans le temps; pervertissant sa procuration, transformant le mandat électif du gouvernement en un contentieux impossible à gérer: la coalition ou la cohabitation, un gouvernement d’unité nationale ou sinon que celui de transition, autant des modèles à la légitimité douteuse-et d’ailleurs doutée- un protocole insensé, redouté par la population-otage. Mais un scénario susceptible de servir les ambitions politiciennes et les judicieuses accointances des uns et des autres. En des chassés croisés tramés dans l’ombre discret des "maquis"(1). Puisque le temps arrange les choses…pour qui sait attendre. Et a le moyen de le faire en toute sécurité.
Une maxime dont les peuples font hélas peu de cas. Pour également ignorer qu’en démocratie les candidatures seules sont briguées. Publiquement.
Cependant que le pouvoir se négocie en privé. Même en s’opposant. Publiquement!
EMERY G. UHINDU-GINGALA

(1)En Afrique de l’Ouest, restaurant-bar à ciel ouvert.