COUR PENALE INTERNATIONALE: POUR QUI ROULE LE PROCUREUR OCAMPO ?
L’argentin Luis Moreno-Ocampo est l’un des hommes les plus honnis de la planète. Le sentiment d’inimitié à son égard est partagé, inégalement certes, un peu partout dans le monde. Surtout en Afrique où cet irascible justicier sévit trop souvent au gout des hommes politiques. Et même des populations qui lui reprochent de ne s’attaquer qu’aux plus faibles. A Kinshasa (RDC) beaucoup le pendraient volontiers. Les nombreux partisans de Jean-Pierre Bemba cherchent inlassablement le lien occulte entre Joseph Kabila et Ocampo afin d’accuser ce dernier de partialité. Parce que le procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) semble s’acharner sur l’ancien vice-président de la RDC, adversaire politique de l’actuel président congolais. Inutile de rappeler qu’Ocampo fut "l’instigateur" du mandat d’arrêt international qui fait croupir Bemba dans les geôles de la CPI à La Haye. Loin de se contenter de cette "grosse prise" à son tableau de… pêche, le procureur a depuis déployé un trésor de subterfuges pour garder le "poisson" dans les filets. Il s’opposa à la mise en liberté provisoire de J.P Bemba au motif que celui-ci disposait des moyens financiers et des appuis politiques suffisant pour se dérober à son procès. Même sans préjuger des intentions véritables du Congolais l’argument n’était pas sans valeur. Si Bemba décidait de se réfugier dans son fief de la province de l’Équateur nul ne serait en mesure de l’y déloger. D’autant qu’il jouit du soutien d’une frange non négligeable de la population congolaise ; jusqu’au sein même de Kinshasa la capitale.
Pour resserrer la nasse, afin de s’assurer que jamais Jean-Pierre Bemba ne pourra recouvrer la liberté, Luis Moreno-Ocampo vient d’introduire une nouveauté en droit pénal international. Expressément pour Bemba. Il ne s’agit de rien de moins que du principe de la responsabilité directe. En d’autres termes : pour le procureur Ocampo le "chef" doit être directement tenu responsable des actions de ses hommes…
C’est-à-dire que Bemba ne peut plus se dédouaner des exactions commises par ses troupes en Centrafrique en évoquant qu’il ne les avait pas ordonnées ; ou moins encore qu’il y avait participé. Or donc c’était là précisément le système de défense privilégié par ses avocats. En apparence seulement, le nouveau principe d’Ocampo (bientôt le principe Bemba) offre un côté improvisé, à ce point que d’aucuns y trouveront une preuve manifeste d’acharnement sur l’ancien seigneur de guerre congolais. Pour autant il n’en constitue pas moins un sérieux revers pour Jean-Pierre Bemba. Une mise en échec des prétentions de ses mandants. Ses avocats devront désormais user d’inventivité pour sortit leur client de ce véritable traquenard ourdi par l’esprit…vicieux du procureur Luis Moreno-Ocampo !
A qui profite "le crime" ?
Les conséquences de ce "réajustement juridique" sont loin d’être négligeables en RDC. On ne saurait ignorer le fait que Joseph Kabila, le président congolais, bénéficie directement de cette mise à l’écart de son rival le plus sérieux à la magistrature suprême. La relation de cause à effet est d’ores et déjà établie par les partisans de Bemba. Ils ne doutent désormais plus que "l’affaire" est politique et voient au-delà du procureur du TPI une machination- une instrumentalisation dudit tribunal- de l’Occident au profit de son "candidat", Joseph Kabila. La théorie du complot fait aisément son lit lorsqu’on s’aide des gens tels Ocampo! Kabila aura beau nier toute collusion avec le procureur du TPI que nul ne le croira. Pour beaucoup en RDC, et dans la diaspora congolaise, la chose est entendue ; puisque les apparences, hélas, sont contre le président congolais !
L’Ivoirien Alassane Ouattara doit se faire, aujourd’hui, la même réflexion. Le seul fait qu’Ocampo ait prit sa cause en sympathie le rend suspect aux yeux des Africains. Il sait maintenant que l’amitié du procureur de la CPI est plus qu’envahissante ; elle est tout simplement embarrassante. Avec de tels amis on n’a pas besoin d’ennemis. Car les récentes et intempestives "sorties" d’Ocampo à propos de la Côte d’Ivoire coïncident bizarrement avec les positions de l’Occident ! Ses prétentions déclarées de vouloir poursuivre le camp Gbagbo devant la CPI fait hérisser le poil des tous ceux qui s’y entendent quelque peu en matière de justice internationale. Pour dire le vrai, les positions d’Ocampo agacent et ont fini par courroucer ses pairs avocats. Au point que certains d’entre eux(1) ont décidé de dresser un véritable réquisitoire sur les agissements du procureur du TPI (http://news.abidjan.net/h/391078.html). C’est peu dire que les prises de position de Me Luis Moreno-Ocampo contribuent à décrédibiliser fortement l’institution pénale de La Haye. Il donne à penser qu’il choisit ses "cibles" politiquement ; en fonction de ce que veut l’Occident. Autrement- dans toute l’impartialité qui invite l’adhésion à un système de justice- Paul Kagamé le Rwandais n’aurait-il pas précédé Jean-Pierre Bemba à La Haye ? En Côte d’Ivoire même : Guillaume Soro et Dramane Alassane Ouattara, à la tête des "Forces nouvelles", n’ont-ils pas commis des exactions plus…désastreuses en nombre et en conséquences humaines que ce que l’on peut reprocher à Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ?
Manifestement, de la crise post-électorale ivoirienne la CPI ne sortira guère grandie dans l’opinion publique africaine. Surtout que déjà nombre de ses contempteurs sur le continent et ailleurs dans le monde suspectaient l’impartialité des causes poursuivies par le procureur Luis Moreno-Ocampo. Il aura suffit de bien peu pour que la suspicion se transformât en certitude. En cause "le principe Bemba" et le cafouillage juridico-politique en Côte d’Ivoire. Pour Joseph Kabila les gains, en dépit de tout, sont certains. Il en va autrement pour Alassane Ouattara qui semble condamné à subir un "compagnonnage" dont, avoir su, il se serait bien passé. Quant au procureur Ocampo les élites politiques africaines se défieront désormais de ses sorties. En bien ou en mal. Et la CPI avec lui. Malheureusement.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ
Cet article est disponible sur Afrique actu: http://afriqueactu.net/23996/afrique/tribunal-penal-internationalpour-qui-roule-le-procureur-ocampo
(1) Lire l’intégrale du réquisitoire par Me Josette KadjiAvocat au Barreau du Cameroun et près le TPIR et la CPIMe Jean de Dieu Momo, Avocat au Barreau du Cameroun et près le TPIR, sous le lien suivant :http://news.abidjan.net/h/391078.html
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