samedi, septembre 24, 2011

LES DEUX CAMPS.

By FoQus Media on Saturday, September 24, 2011 at 6:14am.

Le langage médiatico-politique suggère, sans jamais l’exprimer clairement, que les protagonistes d’un conflit sont divisés en deux catégories opposées : les bons et les méchants.
Une classification autant manichéenne que fortuite. Seul un parti-pris nourri de la mauvaise foi la plus indécente peut parvenir, dans un déroutant raccourci intellectuel, à un tel jugement de valeur. C’est bien pourtant ce paradigme du double standard qu’a inauguré, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, George W. Bush. Le président américain d’alors se servit sans vergogne de ce tragique événement pour soutenir gaillardement son hasardeuse thèse : à savoir qu’à partir de cette date (11/11 2001) le monde constituait deux camps antagonistes, et que l’un, terreau des valeurs universelles, tenait de droit divin la mission de répandre la lumière civilisatrice sur des mécréants obscurantistes. L’occasion était trop belle- aucun drame ne rebute l’ambition politique- pour vendre les valeurs occidentales. George W. Bush laissa entendre, à qui a des oreilles pour entendre, que seule l’adhésion à ces éclairantes valeurs pouvait empêcher la perpétration des actes barbares tels ceux que venait de connaitre New-York.

Or donc c’est là une profession de foi qui n’étonne guère : chaque président américain aura un jour soutenu que les États-Unis ont le devoir de "guider le monde". Et partant d’y dispenser des valeurs morales directement inspirées de Dieu !
Pour tous ceux qui ne l’auraient pas bien compris, il ne s’agit pas de choix. Mais d’une propagation des préceptes dont tout le monde se doit d’accepter l’assimilation. Un peu comme pour un malade forcé d’ingurgiter un médicament au gout infect, mais bon pour sa guérison.

En d’autres termes, les valeurs américaines, relayées par tout l’Occident, sont forcément bonnes pour tout le monde. On les diffuse parfois à grand renfort de bombes. Et quand cela s’avère nécessaire, c’est-à-dire souvent, on les impose par la bouche des canons. Que n’entend d’ailleurs, quand les armes se sont tues, que Démocratie et Droits humains sont le socle d’où s’élèvent ces valeurs humanistes et humanitaires. Des valeurs si bien drapées de vertus qu’elles ne peuvent qu’atteindre à l’universel. Quand les armes se taisent, de puissants canaux médiatiques prennent le relais pour une guerre plus feutrée. Ici ce n’est plus le sang qui coule, c’est l’argent ou l’idéologie. Des rhéteurs enrégimentés propagent l’évangile occidental, celui-ci est asséné avant, pendant et après le conflit, afin que tous comprennent bien qu’il y a des bons et des méchants.
Or donc en dessous de ces diatribes moralisatrices, magister dixit, des intérêts plus triviaux sont à l’œuvre dans une opacité propice aux ententes occultes.

L’histoire immédiate renseigne que dans un conflit armé- il est entendu que l’Occident ne recourt aux armes qu’en dehors de son espace vital- les atrocités sont toujours imputées au camp des méchants. Des monstres tant abhorrés par la communauté internationale, et donc combattus par l’Occident, qu’à leur discrédit sont versées les pires exactions. Car il faut bien diaboliser afin de justifier des "droits moraux" à intervenir militairement dans le camp des méchants. Raison pourquoi de fallacieuses raisons humanitaires sont évoquées à chaque fois qu’il question d’organiser des "expéditions salvatrices" dans des pays souverains. Des campagnes militaires- en vérité des escadrons de la mort- qui trouvent aisément légitimité dans les instances politiques internationales. Quitte, pour ce faire, à réaménager vaille que vaille le droit international, à plier des principes au demeurant sacralisés.

Ainsi donc la portée de la souveraineté nationale s’amenuise au fur et à mesure qu’on s’éloigne de l’Occident. Sauf, et on peut le comprendre, pour les puissantes Chine et Russie. En Afrique elle s’annule tout simplement. Cette partie de l’humanité semble n’avoir d’autre choix que celui d’absorber, les bombes ou les idéologies. Sinon les deux en même temps, quand les premières ne sont languées que pour aider à la diffusion des autres. Car il appartient toujours à l’Occident de décider qui est bon ou méchant, qui mérite d’être soutenu ou combattu. Quel camp doit subir les bombardements, et au nom de quel autre camp on s’octroie le droit de tuer !

Mais, on a déjà vu le bon d’hier devenir, au gré des intérêts mouvants, le méchant d’aujourd’hui. L’histoire n’éduque pas, autrement aucun dirigeant du Sud n’applaudirait les malheurs des Gbagbo, Ben-Ali, Moubarak et Kadhafi. Il y a seulement peu on leur déroula le tapis rouge en Occident, ils furent accueillis sur le perron des palais présidentiels, on leur donna l’accolade et le baiser. Avant que de les poignarder dans le dos. Presque du jour au lendemain. À l’Ouest les dirigeants politiques sont amis entre eux. Ils n’entretiennent, au Sud, que des intérêts !
Pour l’avoir ignoré de nombreux chefs d’États africains l’ont payé cher, parfois de leur vie ! Beaucoup parmi eux se sont brutalement vus précipités dans l’autre camp, le mauvais. Le camp de la mort. Nul n’est à l’abri de ce type de désagrément. À qui le tour ?
Dans le répertoire des "sacrifiés potentiels" y sont d’ores et déjà épinglés le Rwandais Paul Kagamé, le Camerounais Paul Biya, Blaise Compaoré le Burkinabè…
Or donc ceux-ci se comportent comme si de rien n’était. Ils se croient les protégés de…l’Occident ! C’est ce que croyait aussi, il n’y a pas si longtemps encore, le Tunisien Ben-Ali et l’Égyptien Hosni Moubarak. Si ceux-là n’en étaient pas, nul dirigeant du Sud ne l’est.
N’est-ce pas ce même Occident qui aime si peu les populations de la Syrie et du Yémen pour ne déplorer leurs pertes qu’à distance respectueuse des lieux des hostilités.
Dans quel camp se trouvaient hier le Shah d’Iran, Bokassa, Idi Amin Dada, Mobutu…
Rien que des dictateurs ? Et Lumumba ? Et Sankara ?
Mehdi Ben Barka, Amilcar Lopes Cabral, Salvador Allende, Benito Aquino et tant d’autres, n’oppressèrent jamais les leurs. Ils eurent seulement le tort de parler de révolution pour certains, cependant que d’autres ne péchèrent que pour avoir revendiqué une malheureuse accointance d’avec le communisme. Mais est-ce pour autant qu’on abat la junte militaire qui sévit au Myanmar, ou le régime du Nord-Coréen Kim Jong-Il ? Faut-il alors aussi assassiner Hugo Chavez et Evo Morales alors que les communistes européens ont pignon sur rue dans leurs pays respectifs ?

Il est tout simplement impossible de réduire au silence tous ceux qui souscrivent à des catégories d’analyse qui déplaisent à l’Occident. Toute la puissance de son bras armé, l’OTAN, ne suffirait pas pour mener à bien cette tentaculaire et aventureuse entreprise. Son budget y serait grevé, mais en totalité, tant il existe encore des dictateurs en service. Ceux-là qui croient s’honorer de l’amitié des Occidentaux, ces grands benêts qui confient naïvement leur sort à des affairistes sans vergogne. Les Occidentaux, eux, les traitent au cas par cas. Selon leurs intérêts ponctuels. Hormis bien sûr pour la dictature chinoise, trop puissante militairement. Avec Beijing on fait des affaires et on se tait. Business is usual !
Le communisme chinois est pourtant le terreau d’où s’élancent en orbite les dictatures les plus exécrables. Mais personne n’oserait toucher aux satellites de la Chine sans craindre de représailles d’ordre économiques. Car l’arme la plus puissante de Beijing est désormais sa bourse. L’économie chinoise est une arme bien plus dissuasive que sa bombe nucléaire.
Depuis lors le communisme chinois est désormais à visage humain. Malgré justement que les droits humains- le crédo que l’Occident dessert à l’envi- y sont bafoués au quotidien ainsi que rarement ailleurs.
Cette exhortation est pour les autres, les faibles, ceux dont on peut disposer sans conséquences. Pour eux ce sera les bombes ou l’idéologie. Les deux parfois, ou les unes au service de l’autre ! Et vice-versa. Comme au bon vieux temps de la colonisation. Les méthodes demeurent les mêmes. Seuls les outils changent.

S’il est vrai que d’ordinaire deux camps (ou plus) composent les protagonistes à un conflit, on n’applaudit jamais qu’aux activités d’un seul. Le camp qui bénéficie du soutien de l’Occident, de toute "la communauté internationale". De l’autre camp on ne publie que les sévices auquel il se livre. Quitte à en rajouter pour le menacer de tout le mal qu’on lui souhaite par le biais de la Cour Pénale Internationale(CPI). Tout le monde sait que depuis sa constitution cette juridiction joue, au service de l’Occident, un rôle similaire à celui dévolu au ministère public en droit domestique. Au lieu que dire le droit international, la CPI agit toujours en charge contre ceux que lui désignent les Occidentaux. Cet esprit de larbin, que la CPI confirme chaque jour au gré des conflits, a fini d’écorner sa crédibilité et son image d’impartialité. Pour les pays du Sud, son procureur, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, n’est qu’un exécuteur de basses besognes. Sous le couvert de la légalité internationale, son empressement à n’enquêter que dans le camp soutenu par l’Occident a contribué à entamé irrémédiablement la confiance des populations du Sud dans cette institution juridique internationale. De faire pire, en matière de servilité, que Ban Ki-Moon, relève de l’exploit. L’actuel secrétaire-général de l’ONU entérine invariablement tous les desideratas de grandes puissances occidentales. Or donc voici que le zèle de l’ombrageux Moreno-Ocampo pourrait le faire pâlir de jalousie. Le procureur de la CPI semble constamment en service commandé pour les grandes puissances occidentales. Au point même de précéder les souhaits de ces dernières.

Internet et les médias sociaux renseignent désormais le monde plus efficacement que ne le faisaient jadis les ONG. Croix rouge et autres Human Rights Watch(HRW) ne cessent cependant de dénoncer ce que montrent Facebook, YouTube et Twitter partout dans le monde. On sait, et on le voit désormais, qu’en matière d’exactions les responsabilités sont partagées.
Et que souvent les deux camps rivalisent dans la perpétration des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Deux camps qui arrivent ex aequo dans l’horreur. En Libye, les bombardements de l’OTAN, et les actes de vengeance sur les Noirs subsahariens- ces derniers sont tous considérés comme des mercenaires à la solde de Kadhafi- grossissent le rang des victimes innocentes au conflit.

En Côte d’Ivoire l’après-guerre se révèle plus meurtrière encore qu’avant. Le nouveau régime peine à empêcher les crimes commis par ses partisans sur les ethnies favorables à l’ancien président Laurent Gbagbo.

Au final, et même une fois ce constat établi (les crimes sont à ce point flagrants et réguliers que les nouveaux pouvoirs ne les nient plus désormais) seuls les camps des chefs d’États déchus sont visés par les accusations de la CPI. L’autre camp peut ainsi continuer de vaquer à ses macabres occupations. En tout impunité. Sans ne s’inquiéter de rien. Et cela se continuera, hélas, tant que l’Occident n’aura pas commandé au procureur Luis Moreno-Ocampo d’instruire la justice selon le droit international. En commençant par enquêter dans les deux camps.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ



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