dimanche, octobre 17, 2010

LULA

Manifestement le prix Nobel du développement reste encore à inventer. Une reconnaissance qui serait certainement peu rétribuée car seule une poignée de dirigeants pourraient s’en prévaloir. Luiz Inácio "Lula" da Silva est le seul leader politique de ce début du second millénaire qui mériterait réellement d’en être un lauréat incontesté. Peu d’acteurs politiques de ce siècle, et même du siècle dernier, n’auront à ce point marqué l’Histoire ; tant dans leurs pays respectifs que sur la scène internationale. Devenu président du Brésil en promettant de s’attaquer à la pauvreté et au développement de son pays, alors même qu’il n’a jamais fréquenté l’université, Lula pourrait assurément faire la leçon à de nombreux récipiendaires du Nobel d’économie. Nul au Brésil ne savait où les velléités de changement du nouveau président conduirait le pays. Or donc Lula, armé de sa seule passion pour son pays et conscient qu’il n’avait pas droit à l’erreur, était loin du dilettante que tous croyaient voir en lui. Issu lui-même d’une frange de la population la plus déshéritée, il s’était fixé comme but la rupture radicale d’avec le passé. Son passé, mais aussi celui du Brésil. Il lui fallait un "avant et un après Lula" ! Ce syndicaliste-métallurgiste (tel jadis le Polonais Lech Valesa) a confondu depuis plus d’un sceptique, surtout les riches de son pays. Depuis tous savent désormais ce que changement veut dire. Non point continuité, mais changement, en ce qu’il débute par une rupture radicale d’avec le statu quo ante pour aboutir au renouveau. Une révolution, en somme. Il n’est que la Chine, sous la férule de Deng Xiaoping, pour revendiquer telle transformation dans le fond. Mais Deng, "Le petit père du peuple" était un dictateur agissant d’autorité pour corriger les dérives totalitaires et meurtrières qu’avait induites "la Révolution culturelle" de Mao Zedong. En d’autres termes Deng Xiaoping n’avait en face de lui nulle opposition, aucun mécanisme de contre-pouvoir. Seul maitre à bord, son ouverture à marche forcée vers l’économie de marché a permis à la Chine d’amorcer le bond de géant que l’on sait. Sans que le niveau de vie des Chinois les plus pauvres en soit réellement relevé ! Le fossé entre riches et pauvres, caractéristique du libéralisme économique, n’a depuis cessé de se creuser. La Chine est riche, certes, mais pas les Chinois…
A contrario Lula, dans un système démocratique où son élection était entourée de suspicion par la droite jusque là toute puissante, peut se targuer de n’être parvenu au pouvoir que par le vote massif des plus pauvres. Or donc même les riches louent aujourd’hui son action. Pour la seule raison qu’ils sont plus riches qu’ils ne l’étaient avant lui ; et que les politiques "socialistes" du président n’ont jamais été faites pour les inquiéter. D’avoir permis à 20% des pauvres d’accéder au pouvoir d’achat est plutôt bon pour le dynamisme de l’économie, donc pour les affaires. Avec "la bourse de Lula", un viatique oscillant entre 50 et 100 dollars mensuels, le président fait d’une pierre deux coups : les laissés pour compte de jadis disposent désormais d’un revenu fixe. A la condition de scolariser leurs enfants… Ayant été lui-même peu initié à l’érudition, sans aucun diplôme universitaire, l’ancien cireur de chaussures analphabète jusqu’à l’âge de dix ans entre aujourd’hui dans la légende de son vivant ainsi qu’avant lui seul Nelson Mandela.
A la fin de son second et dernier mandat, le bilan de Lula est si impressionnant que Barack Obama lui-même, populaire parmi les populaires, n’hésite pas de dire de son homologue qu’il [Lula] est l’homme le plus populaire de la terre…
Avec Luiz Inácio Lula da Silva, le Brésil, qui n’était connu que pour et par le soccer avec le magistral Pelé, est à ce jour reconnu comme une grande puissance économique et…politique mondiale. Placé au huitième rang, il sera bientôt la cinquième puissance économique mondiale juste après la France ! Auparavant Lula avait déjà propulsé Brasilia au devant de la scène internationale par une action d’éclat, presque un crime de lèse-majesté : A Santiago du Chili, lors du 12è sommet des pays de l’Asie-Pacifique, il contrecarre les prétentions de Georges Bush de contrôler la zone économico-politique de l’APEC. Pour privilégier à la place le libre-échange du Marché commun du Sud (Mercosur) (1). Lula fomente alors une vraie cabale pour isoler le président des États-Unis qu’il n’a pas en odeur de sainteté. Et histoire de ne pas s’arrêter à si bon chemin, il propose et obtient que les prérogatives d’un G8 tout puissant soient transférées à un G20 élargi aux "grandes puissances émergentes". Dans la foulée et aux côtés d’un autre "grand en devenir", la Turquie, le Brésil fait accepter à Téhéran de faire enrichir son uranium à Brasilia et Ankara. Pour sauver la face de l’irascible Mahmoud Ahmadinejad et ainsi débloquer l’impasse dans laquelle s’enlisait le dossier de l’uranium iranien. Une avancée que toute la communauté internationale aura échouée à obtenir. Les États-Unis, pour faire plaisir à Israël, rejetteront hélas cet accord.
A son avènement Lula décréta, on l’oublie souvent, la cessation des paiements de la dette de son pays au Fonds monétaire International (FMI). Mais le président a tenu à ce que nul n’ignora que le Brésil vient de prêter 10 milliards de dollars au Fmi- et donc à la communauté internationale- par l’achat des bons obligataires. Le temps aura seulement manqué à Lula dans son ambition de faire obtenir à son pays un siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu. Mais la table est mise, et il appartient désormais à son successeur, Dilma Rousseff, propulsée dans son élan par la haute stature de Lula, de parvenir à y faire s’asseoir les "grands" afin de transiger d’égal à égal.
Luiz Inácio "Lula" da Silva peut désormais déjà entrer au panthéon des plus illustres dirigeants de la terre. Mais de son vivant comme Mandela et Obama.
Alors Lula Santo subito ?
EMERY G. UHINDU-GINGALA
(1) Source Wikipédia. Le Marché commun du Sud - Mercosur pour les hispanophones, Mercosul pour les lusophones- constitue le quatrième espace commercial du monde (derrière l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie du Sud Est) et représente un marché potentiel de quelques 200 millions de consommateurs. Il a été institué le 26 mars 1991 par le traité d’Asuncion entre le Brésil, l’Argentine (tous deux déjà liés depuis 1985), le Paraguay et l’Uruguay. Ses objectifs : la libre circulation des biens, des services et des facteurs de production, l’établissement d’un tarif extérieur commun, la coordination des politiques macroéconomiques et sectorielles et l’harmonisation des législations des Etats membres.
Le libre commerce est institué sur 85% des 9 000 produits entrant dans les termes de l’accord, 15% - biens d’équipement, chimie, informatique - faisant l’objet d’un régime transitoire jusqu’à 2006 à la demande du Brésil, qui souhaite préparer les secteurs en question à la libre-concurrence. Depuis, la zone suscite l’intérêt : le Chili et la Bolivie ont signé un accord de libre-échange avec le Mercosur en juillet 1996, le Venezuela et la Colombie se sont portés candidats à l’adhésion et le Pérou s’est également manifesté...

mercredi, octobre 13, 2010

REALPOLITIK !

Contrairement aux principes consacrés par l’Onu et auxquels souscrivent vertueusement ses membres, la justice internationale sacrifie à des motivations plus prosaïques et généralement peu regardantes sur le Droit. En la matière, les états pèchent souvent par action et par omission. Une série de facteurs pris individuellement ou conjugués les uns aux autres expliquent, même lorsqu’ils ne peuvent tout simplement pas les justifier, les positions des pays sur la scène internationale : les intérêts ponctuels, les liens traditionnels, l’opinion publique, les groupes de pression, la proximité des élections, les sondages d’opinion…
EMERY G. UHINDU-GINGALA

Le Conseil de sécurité de L’Onu constitue le lieu par excellence où "l’esprit du Droit" est perpétuellement perverti, dévoyé et foulé aux pieds à coups de vétos ! Tous les membres de cet aréopage s’y adonnent avec aisance, manifestement sans états d’âme ; souvent toute honte bue tant les soutiens qu’ils affichent insultent parfois à l’intelligence. Quand ils ne heurtent pas la "morale universelle" censée dicter les relations internationales ! Or donc on attend de ceux qui siègent au Conseil de sécurité qu’ils fassent preuve d’équité puisque leurs décisions affectent tous les peuples de la terre. Il y a quelque chose de malsain à voir un de ses membres permanents refuser obstinément de seulement condamner les actes répréhensibles- par exemple un massacre- perpétrés par un pays tiers envers un autre peuple. C’est le cas des États-Unis et d’Israël. Les successives administrations américaines, démocrate et républicaine, empêchent résolument les autres membres du Conseil de sécurité de blâmer, par véto interposé, les trop nombreuses dérives de Tel-Aviv au chapitre des droits humains en Palestine. Là, au vingt et unième siècle, Israël démontre une barbarie qu’on ne retrouve que dans les pages les plus sanglantes de l’histoire humaine. Difficile à comprendre pour un pays qui est né de la compassion et de la solidarité internationale. Et ce, on ne peut s’en cacher, au détriment du peuple palestinien qu’il opprime aujourd’hui allègrement à son tour ! Les actes fondateurs de l’Onu définissent expressément le comportement (surtout les obligations) de l’occupant vis-à-vis des occupés… même si l’occupation, et la guerre qui l’autorise, y sont prohibées. Car l’organisation des nations unies a précisément été créée pour cela, la promotion de la paix et le bannissement de la guerre dans le monde. Mais puisqu’on ne vit pas dans le meilleur des mondes… Il n’est d’ailleurs pas que les États-Unis pour se compromettre dans l’odieux. Chacune de grandes puissances couvre au profit des "siens" des crimes qu’elles dénoncent virulemment lorsqu’il s’agit des autres. On atteint au grotesque quand un homme, mais un seul passe, par le bon vouloir de ces puissances, du statut d’ange à celui de démon ; et que l’on veuille entrainer toute la communauté internationale dans ce transfert de sentiments d’amour-haine. Amis et ennemis changent fréquemment de place dans ce dangereux jeu de chaise musicale où alternent les alliances du moment et les intérêts qui établissent ces unions souvent occultes. Quand ils ne se confondent tout simplement pas. De nombreux dictateurs l’ont ainsi expérimenté à leur dépend, tombant, au faite de la gloire, dans la disgrâce signifiant la fin de l’intérêt dont les gratifia jadis l’Occident. Souvent après de "bons et loyaux services" rendus à leurs commettants d’alors… Hier le Shah d’Iran, Bokassa, Idi Min Dada et Mobutu ; mais aussi Noriega et Marcos… Plus récemment ses anges déchus, léviathans glorifiés, ont pour noms Saddam Hussein et Kadhafi (lequel a su retomber sur…ses ailes avec plus ou moins de bonheur). La liste, avec l’érection du Tribunal Pénal International(TPI), va probablement aller en s’accroissant. Que certains dont les États-Unis, Israël, l’Iran, l’Arabie saoudite et la Corée du Nord (étonnante promiscuité) n’aient pas adhéré à l’institution de cet organe de justice internationale n’y changera rien.

UN CHEQUE EN BLANC
Retour d’ascenseur, opportunisme, culpabilité ou simple "réalisme politique", la réalité d’une justice à la carte et jugée à deux vitesses a contribué à créer des monstres. Tant du côté de ceux qui d’ordinaire en bénéficient que parmi les trop nombreux révoltés d’un monde qui agit dans une partialité ouverte. Protégés et intouchables forment un "club" restreint et fermé dont le sésame demeure historiquement- mais tragiquement- le drame ! En d’autres termes : Etre victime de génocide constitue désormais et paradoxalement, à la suite d’une honteuse instrumentalisation, un enviable statut. A reconnaitre le fait la communauté internationale déploie plus d’énergie qu’à empêcher- et surtout prévenir- sa perpétration… Or donc ceux qui jusqu'alors ont été reconnus victimes de génocide-beaucoup s’en revendiquent mais peu sont "choisis"- reçoivent du même coup un blanc-seing, un chèque en blanc qui autorise que leurs actions les plus répréhensibles et leurs divers crimes aboutissent à une totale impunité. Comment dès lors s’étonner que, dans un tel contexte de laxité, les victimes d’hier n’aient été tentées de devenir les bourreaux d’aujourd’hui ? C’est ce qu’assurément représente Israël pour les Palestiniens depuis de trop nombreuses décennies déjà. Le mépris de la vie humaine dont témoigne l’état hébreux dans les territoires occupés aurait du lui attirer, avec l’opprobre internationale, les condamnations officielles et des sanctions bien plus rigoureuses que celles qu’encoure l’Iran des mollahs. Ses blocus aussi sauvages que sa colonisation, ses raids aveugles et répétés sur la population civile de Gaza : de quoi alimenter un plaidoyer de crimes contre l’humanité et autres dispositions prévues par la justice internationale. Mais rien ne vient jamais. Résultat, une monstrueuse créature repue d’insensibilité, de cruauté, d’égoïsme et d’arrogance défie impunément la communauté internationale, Israël ! Seuls les nazis, les bourreaux d’antan du peuple juif, avaient ainsi su le faire avant eux. L’Histoire bégaie tragiquement…

AUTRES LIEUX, AUTRES TEMPS, MEME REALITE
1994 : Les Tutsi sont visés par une tuerie de nature organisée. Les assassinats sont perpétrés par les Hutus fidèles au régime d’alors. Au total près d’un million d’individus sont massacrés, au nombre desquels sont répertoriés quelques Hutus dits modérés, avant que l’Onu ne reconnaisse le crime de génocide pour qualifier les faits qui se déroulent devant le regard horrifié de toute la communauté internationale. C’est qu’alors, pendant que de milliers d’hommes, de femmes, et d’enfants se faisaient ainsi massacrer, les États-Unis en particulier hésitaient à décerner le "satisfecit" de victimes de génocide à d’autres qu’aux seuls Juifs. Puisque voilà un statut qui ne comporte que des droits et n’appelle à aucune obligation ! Or donc aujourd’hui on sait- et de nombreuses preuves n’ont cessé de corroborer les faits- que les hommes du général Paul Kagamé, l’actuel président du Rwanda, avaient perpétré l’attentat qui avait couté la vie au président hutu Juvénal Habyarimana. Plusieurs dissidents des Forces Patriotiques rwandaises(FPR) qui accompagnèrent Kagamé dans sa marche victorieuse sur Kigali ont témoigné en ce sens, venant appuyer les conclusions d’une commission parlementaire française. Un célèbre juge parisien alla même jusqu’à inculper certains caciques du FPR pour cet attentat considéré comme le déclencheur des massacres. La France du pourtant intrépide Sarkozy a depuis lamentablement reculé, toute honte bue, face au courroux de Kagamé. Mais que peut bien redouter Paris de cette portion congrue qu’est le Rwanda ? C’est que la Realpolitik est passée par là, cette notion aux contours flous qui autorise le nain à menacer le géant. Sinon pourquoi Ban-Ki-Moon s’empresserait-il, fait sans précédent pour un secrétaire-général de l’Onu, d’aller au devant du général Kagamé pour l’assurer de son soutien, c’est-à-dire celui de la communauté internationale qu’il représente, pour un mea culpa qui au demeurant ne devait engager que lui. Et ceci juste avant la publication d’un rapport de ses propres experts accablant le régime tutsi du Rwanda de crime de génocide sur les Hutus réfugiés dans les camps de l’est de la RDC voisine ! Pour insolite qu’elle fut, la démarche du secrétaire-général de l’Onu manifeste, plus qu’il n’est besoin, les travers d’une politique internationale prostituée, inféodée à la Realpolitik. De s’y tenir paie, mais perd aussi. De nombreuses crédibilités se sont ainsi dramatiquement échouées sur ses berges, en tentant de surfer sur la vague de l' "ici et maintenant"! Malvoyance volontaire, passagère cessité intellectuelle ou simplement vision racourcie et plongée dans l'immédiateté, Ban-Ki-Moon risque de ne guère en sortir indemme. A l'évidence le secrétaire-général de l'Onu doit gager, afin de faire oublier sa malvenue escapade rwandaise, sur une amnésie collective de la communauté internationale. Carpe diem donc, de l’Histoire personne ne retient jamais rien. Puisque la mémoire des hommes est une faculté qui oublie. La mémoire des vainqueurs, non point celle des vaincus... Et l'Histoire en tant que mémoire de l'humanité retient en elle tenaces, pour les divulguer plustard, tous les traits que les humains cisèlent sur le cour de son parchemin. De cette histoire-ci on aura compris que la qualification du génocide n’est assurément pas affaire de justice, mais de justesse ! L’injustice, ou seulement la partialité, n’est souvent qu’affaire de perception. Or donc l’idée que les peuples s’en font- surtout ceux qui à tort ou à raison sont convaincus de ne guère en bénéficier- est parfois plus tenace que le donné factuel, l’objet producteur de sens. Que l’on croit déceler dans les attitudes d’"acteurs majeurs" internationaux des velléités de complaisance suffit à conclure à une justice dévoyée, au service des uns contre les autres…De même les spectaculaires retournements de situation dont sont férus les "puissants" incitent à la défiance quant à leur loyauté. Il en faut parfois moins pour que les esprits se radicalisent et que les armes tonnent. En matière de justice internationale le droit, pour ce qu’il s’aligne trop souvent sur la Realpolitik- en effaçant chemin faisant les gains acquis dans la peine- s’apparente à la politique de "la terre brûlée". C’est la politique du pompier-pyromane !
EMERY G. UHINDU-GINGALA