samedi, mai 01, 2010

L’AFRIQUE DES LUMIERES

Constat amer, bilan sévère : L’Afrique traine des pieds ! Des Africains eux-mêmes le posent. Cinquante années après les indépendances de (la majorité) ses pays, le Continent semble faire du sur place dans pratiquement tous les domaines de l’Indice du développement(ID). Hormis quelques timides avancées constatées de-ci de-là. Surtout au chapitre de l’érection d’inutiles tours à la gloire du chef de l’État. Or donc de l’Histoire on sait, sans au demeurant s’en éduquer, qu’un long exercice du pouvoir, en Afrique comme ailleurs, dispose à la corruption. Le président africain, qui a déjà la conscience d’être assis sur un siège éjectable, sait sa gloire éphémère. Et sa vie en danger hors du pouvoir.
Raison pourquoi l’on voit- et la tendance ne semble point, hélas, s’infléchir- des dictateurs renaitre de leurs cendres en déjouant toutes les ficelles de la démocratie. Pour sortir vainqueur d’élections aussi bancales que la "nouvelle" Constitution qui les ont autorisées.
On assiste aujourd’hui, pantois, à des successions dynastiques du pouvoir. Les pères tiennent mordicus à ce que les fils les perpétuent. Si ce ne sont ces derniers qui sont instruits dès leur tendre enfance que le pouvoir leur est promis de droit "divin".
Ou encore des oppositions, parfois des rébellions, qui forcent le partage du pouvoir à la faveur des pressions internationales. Sinon qu’à la pointe de la Kalachnikov.
Des juntes mangent leurs enfants. Pratique infanticide que l’on croyait révolue…
Last but not least, l’insolite : un régime africain, apprend-on médusés, aurait massivement investi les deniers publics dans autre chose que l’armement, l’enrichissement personnel, la fidélisation des courtisant etc. Et qu’un budget colossal avait été alloué pour l’achat des manuels scolaires ! L’argent (bien entendu) a été détourné et, continue-t-on de s’étonner, que des caciques du pouvoir auraient même été mis en examen pour " le détournement d’un marché public de manuels scolaires". Quelque chose qui s’apparenterait à l’abus de biens sociaux. On se croirait dans la France chiraquienne. Loin s’en faut.
Cette rarissime perle nous a été servie par le Tchad !
Qui l’eût cru ? N’djamena capitales des "lumières"…
Ainsi donc la manne pétrolière, contre toute attente, bénéficierait aussi au peuple !
On dirait bien une renaissance. Aux forceps, il faut en convenir, mais un renouvellement tout de même dans la volonté politique d’un régime de se distinguer autrement qu’en défrayant la chronique par de caricaturales frasques.
Idriss Déby Itno, dont nul ne soupçonnait qu’il pouvait entretenir quelque connivence avec l’éducation, vient de jeter un pavé dans le marigot. En éclaboussant son propre entourage, il atteint également ceux de ses pair (c’est-à-dire tous) qui ont toujours réservé à l’éducation un discours de circonstance jamais suivi d’effets.
En tout bien, la renversante initiative tchadienne constitue en Afrique un réel précédent. Au chapitre de l’éducation puisque c’est ce dont il s’agit. Mais aussi de l’instruction des délinquants.

Expertise et mythes
En Afrique la recherche quasi obsessionnelle de l’expertise extra muros- en Occident cela s’entend- suit des chemins sinueux qui mènent inexorablement vers la prévarication.
Le feuilleton tchadien vient le prouver à suffisance si besoin en était. Or donc rien n’est plus opaque qu’une transaction conclue aux antipodes : Pots-de-vin, marchandises non livrées, détournement des fonds etc. Généralement personne jamais ne vérifie. Qu’il s’agisse d’autobus de transport public, de fine porcelaine (pour la première dame) ou- voilà qui est nouveau- de manuels scolaires. Hormis bien sur l’armement dont dépend la sécurité du chef de l’État…
Cinquante ans après les indépendances les Africains demeurent attachés au mythe du (seul) "Blanc connaissant". Pour tout. Parfois même pour peu que la construction des pirogues ! Alors même que la navigation sur les eaux du Nord n’a jamais été adaptée à ce type d’embarcation de fortune.
A tort ou à dessein, loin de soi se trouve le salut ; sinon que le salutaire.
Des pays africains sont à même d’offrir des prestations variées ; allant de la fabrication des chaussures, des huiles domestiques et cométiques, jusqu’à la publication des manuels scolaires. Et ce pour un coût forcément inférieur à celui que pratiquent les sociétés occidentales. Parce qu’exonéré des frais exorbitants du transport et de la main d’œuvre. Et si l’on venait à arguer que la qualité- encore un autre mythe- est précisément lovée en Occident, qu’on se tourne alors vers les Africains de la diaspora…
Parce que, ô ironie, un Tchadien pourvoit les mêmes services pour lesquels le gouvernement tchadien s’est "fait arnaquer". A Montréal, dans la province du Québec (Canada), les Editions Grenier ont justement vocation, entre autres choses, la publication des manuels scolaires pour les pays africains. A des prix défiant toute concurrence ! En manière de contribution à l’éducation de la jeunesse du Continent.
S’il s’était agit d’autre chose que de l’éducation, le parent pauvre des programmes des régimes africains, "l’affaire tchadienne" ne constituerait qu’un autre fait divers -mort au feuilleton- dont seule l’Afrique a le secret. Mais que la "lumière" provint non point du Sénégal ou du Bénin, pays réputés pour leur proximité d’avec la culture, mais du Tchad, ne cesse d’étonner. Raison pourquoi l’événement revêt une dimension quasi révolutionnaire.
Que la lumière soit alors. Et qu’elle s’étende à tous. Pour que l’Afrique ait enfin ses "dictatures éclairées"
EMERY G. UHINDU-GINGALA