lundi, août 31, 2009

LES LENDEMAINS DE LA VEILLE

On dit du crime organisé qu’il bénéficie toujours d’une longueur d’avance sur ceux censés le réprimer. A ce chapitre, la technologie aidant, la palme revient à la cybercriminalité. Or donc l’imagination de certains dirigeants politiques latino-américains et africains, lors il s’agit de vouloir demeurer au pouvoir, défie à ce point l’entendement que d’aucuns n’hésitent plus à la qualifier de virtuelle. Tant elle a tendance à se distancer des règles usuelles qui organisent la Cité. Pour se forger, aux forceps parfois, des schémas de prévarication nés d’un flou des plus artistiques.
EMERY G. UHINDU-GINGALA


Dans ce jeu du chat et de la souris "speedy", la communauté internationale peine à suivre, ses assortiments juridico-politiques se retrouvent presque toujours obsolètes face à une réalité qui fuit devant elle. Les outils propres à circonscrire cette nouvelle forme de délinquance politique restant encore à inventer.
Pour les auteurs des coups de force (coups d’état, manipulation de la Constitution, fraudes électorales…), et pour tout le monde, le lendemain ressemble à la veille : en ce sens que le pouvoir demeure entre les mains de celui qui se l’est approprié. "L’homme fort" du moment impose presque toujours son statu quo. Ni les imprécations de la communauté internationale, ni ses menaces de toutes sortes, rien ne vient entamer la détermination de ces "hors-la-loi" nouveau genre. Quant à l’opposition, elle ne se renouvelle guère dans son modus operandi, elle appelle au boycott du scrutin et pratique ensuite la politique de la "chaise vide" pour prévenir la forfaiture ; après quoi, puisque rien n’y fait, elle s’emploie à contester les résultats en criant à la fraude. En vain, le fait demeure accomplit. Et la félonie consommée, bue jusqu’à la lie. Mais l’on ne revient vraiment jamais au statu quo ante, c’est-à-dire l’exacte situation qui prévalait juste avant. Or donc il y a un avant et un après- il se passe toujours quelque chose entre temps- la nouvelle situation, ou plutôt le nouveau contexte, est bien entendu à l’avantage de celui qui l’a ainsi fomentée. Dans un déterminisme dont les plus fanatiques parmi ces bouffons n’hésitent pas à proclamer de droit divin. Puisque c’est le peuple qui l’a voulu ! Hommes providentiels, certains carrément "éternels", tous prétendent en tous cas s’éterniser bien au-delà de l’échéance qu’ils s’étaient eux-mêmes solennellement fixée ; ou que la Loi, à laquelle ils souscrivirent quant ils ne l’avaient tout simplement inspirée, leur impartissait.
Putschistes, présidents-sortants-rentrants, "présidents-référendaires"…tous finissent un jour par rempiler. Et réussissent presque toujours à le faire. En faisant le dos rond aux critiques tous azimuts. Ils ont conscience que le temps est leur plus sur allié dans l’inévitable bras de fer qu’ainsi faisant ils engagent avec la communauté internationale ; traitant à la marge l’opinion publique locale.
Or donc à l’usure ces fossoyeurs de la démocratie obtiennent, à terme, gain de cause. Puisqu’ils finissent par être reconnus par tous pour ce qu’ils sont : des chefs d’états !

Dangereux précédents
Impuissance ou exigences de la realpolitik, la faible réponse de la communauté internationale encourage la répétition de ces coups de force. Leurs auteurs sont quasiment assurés de l’impunité à l’instar de ceux qui les ont précédés dans la bravade. Or donc (trop) peu d’exemples incitent les délinquants à la retenue, sinon qu’à s’abstenir de perpétrer des actes propres à faire s’écrouler l’échafaudage des démocraties souvent fragiles.
L’hasardeuse aventure américaine en Irak mise à part, il n’y a eu que la restauration- même si deux ans après qu’il eut été évincé du pouvoir par une junte militaire- du président élu d’Haïti, Aristide, pour faire croire à un nouvel ordre qui n’aura vécu que le temps de susciter un fol espoir. Pour des lendemains désenchanteurs !
Au point où en sont les choses en Afrique et en Amérique latine, et tel que se profile le futur, toutes les lumières clignotent dangereusement au rouge. La situation se dirige inexorablement vers une recrudescence de l’instabilité politique due aux coups de force. Or donc un cercle vicieux (…coups d’état-élections fantoches-amendement de la Constitution ou référendum illégal- coups d’état…) a été durablement installé par des leaders politiques fermement décidés à ne céder le pouvoir sous aucun prétexte. La communauté internationale se trouve désemparée, tout le protocole des sanctions onusiennes pèche par une flagrante inefficacité. Que faire ? Par où commencer ? D’autant que les membres du "syndicat des chefs d’états" se serrent les coudes afin qu’aucun des leurs n’eut à répondre devant la Justice internationale.
Dernier cas en date : le président soudanais Omar Béchir visé par un mandat d’arrêt du Tribunal Pénal International (TPI). La quasi-totalité de ses pairs africains, ainsi que l’Union africaine (UA) du colonel Kadhafi, refusent obstinément de coopérer avec le Tribunal de la Haye. Dans l’espoir peut-être d’un retour d’ascenseur le cas échéant. Et puisque selon toute vraisemblance chacun d’eux est susceptible de se retrouver un jour ou l’autre dans la fâcheuse situation du sanguinaire du Darfour…
En attendant le temps court et joue à l’avantage de ces hors-la-loi. Qu’ils fussent à la tête de leurs pays constitue pour eux un gain inestimable puisqu’ils ont la mainmise sur les instruments de pouvoir dont ils usent d’ailleurs abondamment. Ils ont tout simplement les moyens de leur politique !
Des moyens de rétorsions et de coercitions proportionnels aux forfaits- aux crimes- restent donc à imaginer pour l’Onu et la communauté internationale. Une réponse adéquate, en somme. Avec diligence et efficacité.
Parce qu’il est bien ici question de criminels sans scrupules dont les victimes sont des populations entières, otages de la mégalomanie. Et de l’ambition démesurée.
EMERY G. UHINDU-GINGALA